Arrêtée dans le cadre de l'opération Colisée, la douanière Nancy Cedeno a été reconnue coupable de corruption, mercredi, en Cour du Québec, pour avoir aidé des narcotrafiquants de la mafia montréalaise à faire entrer clandestinement de la cocaïne à l'aéroport Montréal-Trudeau.

En revanche, elle a été acquittée de sept autres chefs d'accusation, plus graves, de complot et de gangstérisme. De l'avis du juge Claude Millette, il n'y a pas de preuve directe que la jeune femme de 34 ans savait qu'elle trempait dans un vaste projet d'importation de cocaïne et encore moins qu'elle travaillait pour la pègre italienne.

«Une personne accusée de complot doit avoir l'intention de s'entendre avec les autres conspirateurs. Il est évident qu'il n'est pas nécessaire que cette personne connaisse l'identité des autres conspirateurs, mais elle doit néanmoins avoir conscience de l'existence de conspirateurs autres que ceux dont elle connaît l'identité», a rappelé le juge Millette, C'est à l'été 2005, a noté le juge, que la douanière a été recrutée par un agent de la police militaire de Halifax, Omar Riahi, qui a déjà travaillé à l'Agence des services frontaliers du Canada. Lors de son interrogatoire, elle a admis lui avoir remis cinq cartes de déclaration préestampillées destinées à permettre aux passeurs de l'organisation de franchir la douane sans encombre à l'aéroport Montréal-Trudeau. Les précieux documents ont servi à une importation de 9 kg de cocaïne en provenance d'Haïti et à une autre de 38 kg du Venezuela. Pour des raisons diverses, les deux ont échoué en cours de route. Même si la preuve tend à démontrer qu'elle a touché 1000 $, Nancy Cedeno soutient n'avoir rien reçu pour ses services.

«Il ne subsiste aucun doute quant à la participation de Nancy Cedeno à un complot avec Omar Riahi et avec une autre personne, celle-ci étant Ray Kahno, dont elle ignorait cependant l'identité», écrit le juge Milette dans son jugement de 39 pages. De son point de vue, il est plausible, comme elle l'a affirmé au procès, que la douanière ait ignoré que s'activait autour de Riahi et Kahno tout un réseau de trafiquants et d'employés de l'aéroport à la solde de la mafia.

À preuve, a souligné le juge Millette, l'accusée a eu «une réaction de stupéfaction» lorsque des enquêteurs de la GRC lui ont révélé que les commanditaires de toutes ces importations faisaient partie du crime organisé. Cet interrogatoire vidéo, qui a été présenté au procès, a eu lieu six mois avant la rafle qui a mis au jour le haut degré d'infiltration de la mafia à l'aéroport Montréal-Trudeau.

Les deux accusés qui ont subi leur procès en même temps qu'elle, Julie Châteauneuf-Fleury, 27 ans, et Jean-Marie Fritz Balmir, 39 ans, ont pour leur part été déclarés coupables d'avoir participé à l'une ou l'autre des importations de cocaïne en provenance d'Haïti et du Venezuela. Parce qu'il a été en contact avec des trafiquants à Montréal et en Haïti, Balmir a aussi été jugé coupable de gangstérisme.

Les trois accusés reviendront devant le tribunal le 5 février prochain, alors que les avocats débattront des peines à leur infliger. Des rapports de personnalité ont été demandés pour chacun d'eux. Nancy Cedeno a été congédiée en 2007 par l'Agence des services frontaliers du Canada.

Par la voix de son avocat, Me Robert Bellefeuille, la jeune douanière avait reconnu, dès le début du procès s'être laissée corrompre, mais elle repoussait tous les autres chefs d'inculpation liés à la contrebande de drogue et au gangstérisme. Omar Riahi était alors passé aux aveux, ainsi qu'un petit passeur du gang, Jean-Michel Reacarl. Le premier attend sa peine depuis le 19 mai, et Reacarl, qui est chauffeur de taxi, a écopé d'une peine de 15 mois avec sursis.