«Oui, c'est un coup monté, de la fabrication de preuve», a lancé dans un geste théâtral Me Claude Olivier à son vis-à-vis de la poursuite qui s'interrogeait sur l'alignement «à saveur de Photo-Police» que prenait le contre-interrogatoire d'un des principaux témoins à charge, hier, au procès pour fraude et abus de confiance de l'ancien chef de la police de Deux-Montagnes, Normand Mastromatteo.

Pourtant reconnu pour son flegme, Me Jacques Dagenais a bondi de son siège en entendant la réponse de l'avocat de l'accusé. «Ne soyez pas ridicule», a-t-il dit avec colère. Il a fallu une pause et l'intervention du juge Jean Sirois pour calmer les esprits. «Si c'est la théorie (du complot) que défend Me Olivier, il peut continuer», a-t-il tranché avec une ferme élégance.

Nullement impressionné par ces accrochages, le directeur de la police de Deux-Montagnes, Serge Frenette, a continué de répondre aux questions de Me Olivier. À vrai dire, celui-ci est en train de faire le procès de toute l'administration de la police de Deux-Montagnes, depuis l'entrée en fonction de M. Frenette au bureau des enquêtes criminelles, à l'automne 2004. Il a pris les rênes du service il y a deux ans, à la suite du décès du chef Martin Demers. Ce dernier avait succédé à M. Mastromatteo, destitué en 2005 à la suite des soupçons de vols et de détournements de fonds qui pesaient sur lui.

Sans retenue, Me Olivier l'a interrogé sur tout ce qui s'est passé au poste de police quand M. Mastromatteo a soudainement été mis au ban. L'avocat a plus particulièrement abordé le rôle que M. Frenette a joué dans le congédiement de son client, des relations parfois tendues entre les deux hommes, mais aussi des chicanes entre les secrétaires et ses liens avec l'une d'elles.

Affirmant s'en tenir aux faits et rien qu'aux faits, M. Frenette en a profité pour lancer quelques flèches acérées à son ancien patron, aujourd'hui dans le box des accusés, ainsi qu'aux «soupconneux du grand complot», comme pourrait s'appeler la thèse de la défense. «Si j'avais su, jamais je ne me serais associé à lui», a-t-il dit devant le tribunal.

Quelques mois après son arrivée à Deux-Montagnes, l'ancien haut gradé de la police de Montréal dit avoir offert sa démission à M. Mastromatteo, mais celui-ci l'a refusée. «Jamais je n'ai voulu sa tête, car j'étais prêt à partir. On avait des visions différentes, entre autres sur la gestion des biens saisis. Parfois aussi, il avait un comportement inapproprié envers les employés. Durant les 14 mois qu'on a passés ensemble, on ne le voyait pas souvent au poste de police. Et quand il venait, il fallait réparer les pots cassés, tellement il avait de conflits avec le personnel», a relaté le directeur Frenette.

Autre sujet de grande discorde entre les deux hommes : M. Frenette avait l'interdiction de dîner avec sa secrétaire. «C'était une relation strictement professionnelle. J'appréciais son travail et je l'amenais manger une fois par mois, mais M. Mastromatteo ne l'aimait pas et il a voulu m'en empêcher», a-t-il répondu sans ambages, même si le procureur de la poursuite s'est souvent levé en alléguant que «tout cela n'était que potinages», et était peu pertinent pour le procès.

C'est seulement après s'être assuré que M. Mastromatteo «volait la Ville» qu'il dit avoir convaincu les autorités municipales de Deux-Montagnes de le dénoncer au ministère de la Sécurité publique, en novembre 2004. L'enquête a été confiée à la police de Laval, avec le résultat que l'on connaît. Le procès se poursuit aujourd'hui, au palais de justice de Saint-Jérôme.