Outre des factures supposément destinées à récompenser des informateurs, l'ancien directeur de la Régie de police de Deux-Montagnes, Normand Mastromatteo, s'est fait rembourser par la Ville les coûts de deux tournois de golf que des subalternes lui avaient déjà payés!

Quatre ans après avoir été accusé, M. Mastromatteo a commencé, hier, au palais de justice de Saint-Jérôme, à subir son procès pour fraude et abus de confiance. La dénonciation, qui comprend 13 chefs d'accusation, veut qu'il ait également utilisé l'argent des contribuables de Deux-Montagnes pour divers achats personnels, dont un ordinateur, un appareil photo numérique, un téléviseur, une chaîne stéréo DVD et un appareil GPS. En tout, on parle d'une fraude de quelque 17 000$.

 

Ironiquement, c'est un ancien officier de la police de Montréal que M. Mastromatteo venait tout juste d'embaucher comme adjoint pour remettre de l'ordre dans le bureau des enquêtes criminelles, Serge Frenette, qui a éveillé les soupçons sur toutes ces manigances.

Dans son témoignage, hier, il a raconté que, en comptant l'argent dans un coffre-fort de la salle des pièces à conviction, il s'est fait dire par un policier qu'il manquait une somme de 1500$, emballée dans un sac à pain.

Pressé d'en savoir plus, M. Frenette s'est précipité dans le bureau du chef de police. À sa grande surprise, la réplique de Mastromatteo a été assez cinglante et assortie de multiples jurons: «Cette hostie de 1500 piastres-là, c'est Gignac encore. Y va-tu me lâcher avec ça, je l'ai déposé dans le compte de la Ville», a relaté M. Frenette hier.

Vives discussions

Sur le coup, M. Frenette a pensé que le directeur Mastromatteo interprétait mal les règles concernant les biens saisis, mais il s'est vite aperçu qu'il y avait anguille sous roche. «Par la suite, chaque fois que j'ai tenté d'obtenir des explications du directeur sur ce dossier, j'ai eu droit à des explosions de colère», a-t-il ajouté. En vertu de la Loi sur les produits de la criminalité, a expliqué M. Frenette devant le tribunal, l'argent saisi doit «passer par Québec» avant d'être redistribué dans les services de police et les organismes voués à la prévention du crime.

«Chaque fois qu'on a saisi de l'argent, on a eu de vives discussions», a souligné M. Frenette, qui a assuré avoir toujours eu le dernier mot. Selon l'agent Pierre Gignac, qui a aussi témoigné, «les 1500$ enveloppés dans un sac à pain» avaient disparu du coffre-fort du service de police en juin 2002, après avoir longtemps sommeillé dans une caisse populaire à Deux-Montagnes. «On a appris l'existence du coffret de sûreté quand la caisse allait fermer ses portes», a-t-il noté.

Selon l'agent Gignac, le directeur Mastromatteo s'était emparé du «sac à pain» durant un week-end, sans lui en parler. La règle voulait même qu'il soit toujours présent quand il s'agissait d'ouvrir le coffre-fort de la salle des pièces à conviction. «Je suis le chef, et j'ai un droit de regard partout, et j'ai déposé l'argent dans le compte de la Ville, et je ne veux plus en entendre parler», s'est fait répondre sèchement l'agent Gignac quand il a manifesté son mécontentement. «Après tout, il est le chef, je ne pouvais pas m'obstiner avec lui», a-t-il précisé au juge Jean Sirois.

Le procès, qui pourrait durer trois semaines, se poursuit aujourd'hui avec le contre-interrogatoire de Serge Frenette. Il occupe le fauteuil de directeur depuis mars 2007. M. Mastromatteo s'est fait montrer la porte en janvier 2006, au terme d'un long feuilleton avec les autorités municipales.