La GRC aurait pu saisir l'arme de son agent Jocelyn Hotte, si la police de Laval l'avait informée des « menaces voilées « qu'il avait faites à son ex-conjointe, cinq jours avant de l'abattre à bord d'une voiture, alors qu'elle allait fêter la Saint-Jean à Montréal, en 2001.

C'est ce que le surintendant à la retraite Jean-Pierre Witty, de la GRC, est venu dire en Cour supérieure, hier, lors de la première journée d'un procès en dommages de 1,8 million que trois autres victimes de la fusillade intentent à la Ville de Laval pour avoir omis de donner suite à un appel de détresse que la jeune femme avait fait à son service de police, le 18 juin 2001. Ces trois autres personnes, qui étaient dans la même voiture que Mme Gélinas, ont subi de graves blessures.

 

Traitée comme un appel de violence conjugale par la centrale de télécommunications, l'affaire a par la suite été jugée «non fondée» par les agents qui se sont rendus au domicile de Lucie Gélinas, dans le quartier Sainte-Dorothée. Même si cette dernière n'a pas voulu faire une plainte formelle, la poursuite estime que les policiers lavallois auraient dû quand même aller plus loin, en informant notamment la GRC des agissements douteux de l'agent Jocelyn Hotte.

À l'appui de ses prétentions, l'un des avocats de la poursuite, Jacques Larochelle, a fait entendre l'enregistrement de l'appel de Mme Gélinas à la police de Laval. «C'est pour une information. Mon ex-copain est dans la GRC et j'ai eu des menaces de mort», a-t-elle dit, avant de se mettre à pleurer en précisant qu'elle avait peur. «Il ne faut pas laisser ça là, c'est un acte criminel. Il faudrait porter plainte. On va aller vous rencontrer», a sagement rétorqué le préposé de la centrale d'urgence chargé de transmettre les appels aux agents de police.

Après avoir fait un résumé de ce que Mme Gélinas a déclaré aux policiers, Me Larochelle a par ailleurs fait dire au surintendant Witty que la GRC aurait, en de telles circonstances, été «justifiée» d'entreprendre une enquête sur le comportement de l'agent Hotte. Elle aurait pu également l'affecter à des tâches administratives et même lui retirer son arme de service. «L'arme appartient à la GRC, et on aurait exigé qu'il nous la rende», a assuré le témoin.

Pour sa part, la Ville appuie la décision de ses policiers, et nie toute responsabilité dans le dénouement de cette histoire. Présidé par le juge Steve Reimnitz, le procès se poursuit au palais de justice de Laval. Il n'est pas exclu que Jocelyn Hotte soit appelé à témoigner. Reconnu coupable de meurtre, il a été condamné à l'emprisonnement à vie, en 2002.

Selon Me Jean Bernier, qui représente l'un des requérants, la cause revêt une grande importance sur le plan juridique, puisque c'est la première fois qu'une municipalité est poursuivie non seulement en vertu des règles de responsabilité civile, mais également en vertu de la Charte québécoise des droits de la personne, qui impose à toute personne de porter secours à autrui.