Malgré de sévères avertissements depuis 1996, Me Claude F. Archambault a continué d'administrer son cabinet à sa manière, en encaissant les avances des clients, plutôt qu'en les déposant dans un compte en fidéicommis, comme son ordre professionnel l'y oblige.

C'est ce qui se dégage du jugement de culpabilité qui vient d'être rendu par le Conseil de discipline du Barreau du Québec à l'égard de l'avocat bien connu qui, selon le jugement, aspirait à la magistrature fédérale avant de connaître ses déboires. Me Archambault, qui compte 44 ans de pratique, a été déclaré coupable des 111 accusations portées contres lui, soit 55 d'appropriation illégale et 56 défauts de déposer dans son compte en fidéicommis.

Les faits concernent 26 dossiers et se sont produits entre le 3 mai 2002 et le 22 janvier 2007. Au nombre de ces dossiers, figure celui du sénateur Raymond Lavigne. Ce dernier avait fait appel aux services de Me Archambault en 2003, pour intenter trois poursuites civiles contre des voisins de camping avec qui il était en guerre. Selon les représentations du sénateur au Barreau, le prix «forfaitaire» fixé par Me Archambault était de 7000$, «incluant les débours et autres considérations». Ces «autres considérations» consistaient pour le sénateur à intervenir auprès d'une amie, pour que celle-ci recommande à un ministre la nomination de Me Archambault à la magistrature fédérale, apprend-on dans le jugement. Dans ses représentations devant le Conseil de discipline, Me Archambault a affirmé que ce n'est pas lui qui aspirait à devenir juge, mais plutôt sa conjointe, Me Roxane Hamelin. Cette dernière n'était pourtant qu'une très jeune avocate, ayant été admise au Barreau en 1996. Quoi qu'il en soit, le sénateur n'a pas été satisfait. Il a changé d'avocat, et a perdu ses poursuites. En plus de payer 12 000$ à l'autre avocat, il a reçu une facture de presque 25 000$ du cabinet de Me Archambault. Le sénateur s'est plaint au Syndic du Barreau. Soulignons que le sénateur est lui-même en attente de procès pour une fraude qui aurait été commise dans le cadre de sa fonction de sénateur. Le procès doit se tenir en décembre prochain.

Toujours «correct»

Aux yeux de Me Archambault, toutes les plaintes contre lui ont découlé de ses déboires avec le fisc et leur médiatisation. Il dit être un avocat honnête, et jure que le travail a été fait. «Ça a toujours été correct ce que je faisais», a-t-il dit, en signalant qu'il avait toujours travaillé de cette manière depuis 44 ans. Plusieurs plaignants ont fait valoir que Me Archambault demandait de l'argent comptant, plutôt que des chèques. Me Archambault le reconnaît, mais il a soutenu qu'en droit criminel, cela est «pratique courante», car il est fréquent de recevoir des chèques sans provision. Au sujet des comptes en fidéicommis, Me Archambault a fait valoir qu'«il y a 40 ou 50 ans, c'était connu, pas de compte en fidéicommis pour les criminalistes». Selon lui, sa conduite était tolérée du temps de la syndic Louise Comeau, qui avait été stagiaire à son bureau. Après que Me Comeau eut quitté ses fonctions (elle a été nommée juge), les comptes en fidéicommis sont devenus une priorité pour le Barreau, croit Me Archambault.

Les arguments de Me Archambault n'ont pas ébranlé le Conseil, qui considère même que l'avocat aurait pu faire des admissions, tellement les preuves étaient évidentes. Au lieu de cela, il a fallu faire entendre une multitude de témoins, et le procès s'est étiré sur 12 jours. Les représentations sur la sanction se tiendront plus tard. Me Archambault s'expose à une peine allant de la réprimande à une révocation de son permis d'exercer. Soulignons enfin que Me Archambault a écopé d'une radiation de deux mois en juillet dernier, pour n'avoir pas remboursé des clients, comme une sentence arbitrale l'y obligeait. Il est en appel de cette décision et peut donc continuer à exercer en attendant une décision finale. Il n'a pas rappelé La Presse, hier.