La requête en arrêt des procédures de l'ex-gardien de but de la LHJMQ devenu chanteur, Jonathan Roy, pourrait faire jurisprudence, selon le Bureau du procureur général du Québec. Et c'est pourquoi la Couronne a demandé ce matin un report du procès du jeune hockeyeur afin de laisser le temps au procureur spécial Normand Lavoie de l'examiner.

Le procès de Jonathan Roy devait débuter ce matin au palais de justice de Chicoutimi. Son avocat, Me Steve Magnan, lui-même un ex-joueur de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, devait plaider une requête en arrêt des procédures à l'ouverture du procès devant le juge Valmont Beaulieu.

Or, la Couronne, représentée par Me Denis Dionne, a demandé un report qui lui a été accordé. «La présentation de cette requête nécessite la présence au dossier d'un procureur spécial qui n'est pas des poursuites criminelles et pénales. Ce qui rend nécessaire la demande de remise qui a été faite», a expliqué Me Dionne à sa sortie de la salle de cour. Me Dionne a toutefois insisté sur le fait que la Couronne était prête à présenter sa preuve, mais que la présentation d'une requête en arrêt des procédures a tout changé. Cette requête sera finalement plaidée les 17 et 18 août prochains.

La défense a dépose cette requête il y a une dizaine de jours. L'avocat de Jonathan Roy soutient que son client a été victime d'un «abus de procédures» puisque le DPCP a émis une nouvelle directive, plus de quatre mois après les incidents, en «changeant les règles du jeu» concernant la violence dans le sport et l'a appliquée rétroactivement dans le cas de Jonathan Roy, formellement accusé le 31 juillet 2008. «On se questionne pourquoi cette directive a été changé», a dit Me Magnan. Selon ses recherches, aucune autre accusation de voie de fait survenu dans un aréna du Québec ni dans un autre sport n'a été portée de manière rétroactive.

Du côté de la Couronne, Me Normand Lavoie du Bureau du procureur général du Québec a été appelé en renfort pour plaider cette requête. «Les questions soulevées sont sérieuses et c'est la raison pour laquelle le juge a autorisé la remise», a souligné ce procureur spécial. «La question soulevée par cette requête est : Est-ce que ces directives du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) peuvent s'appliquer de façon rétroactive?», a expliqué Me Lavoie. Ainsi, cette requête pourrait affecter beaucoup d'autres dossiers criminels, d'autres causes pas nécessairement de la même nature, a fait valoir Me Lavoie. La décision du juge sur la requête de Jonathan Roy fera jurisprudence, selon le procureur spécial.

Rappelons que l'ex-gardien de but des Remparts de Québec est accusé de voies de fait posées à l'endroit du gardien des Saguenéens de Chicoutimi, Bobby Nadeau, en mars 2008. Le fils du célèbre gardien de but Patrick Roy, maintenant âgé de 20 ans, s'était rué sur Nadeau. Ce dernier n'avait pas voulu engager le combat et n'avait pas riposté, se faisant rouer de coups. Il n'avait toutefois subi aucune blessure.

Auparavant, pour qu'une accusation soit déposée contre un joueur de hockey, la victime devait avoir subi des lésions corporelles. «Tout incident donnant au moins ouverture à une accusation d'avoir, en se livrant à des voies de fait, infligé des lésions corporelles lorsque les circonstances permettent de croire au caractère intentionnel de l'acte», selon l'ancienne directive adoptée en 1977.

«Cet enchaînement des faits démontre qu'en modifiant ses directives et en faisant une application rétroactive, ce qui est contraire au principe de justice fondamentale, le Directeur des poursuites criminelles et pénales cherchait spécifiquement à porter des accusations contre le requérant», peut-on lire dans le document déposé à la Cour du Québec.

Ainsi donc, Jonathan Roy «est le seul impliqué dans cet incident à faire l'objet d'une accusation malgré que des gestes semblables aient été commis par d'autres joueurs», a ajouté Me Magnan dans sa requête de 15 pages. Selon ses prétentions, «il s'agit d'un des cas les plus clairs et des plus manifestes d'abus de procédures.» L'avocat de défense a fait également valoir que les enquêteurs avaient insisté auprès de M. Nadeau afin de savoir s'il avait subi des lésions corporelles, ce qui n'était pas le cas. «Aucune autre réparation que l'arrêt des procédures ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice», a-t-il souligné.

Jonathan Roy veut passer à autre chose

De son côté, Jonathan Roy a «hâte d'en finir» avec cette affaire. «Tout ce que je peux vous dire honnêtement c'est que j'ai hâte que ça finisse. Je suis tanné. J'ai hâte de pouvoir me concentrer sur ma musique», a dit le jeune homme qui s'est présenté sans sa famille, seulement accompagné de son avocat ce matin, au tribunal.

Depuis la bagarre, Jonathan Roy a eu l'occasion de faire des spectacles dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. «Chaque fois, les gens me disent : on est venus ici pour te planter. (Mais après avoir écouté le show), ils me disent qu'ils aiment ce que je fais et qu'ils ont hâte de revenir. C'est le fun à entendre», a dit le jeune homme à sa sortie du palais de justice.

Me Magnan est aussi l'avocat d'un autre joueur de hockey de la LHJMQ qui a subi son procès il y a deux semaines dans une affaire de violence sur la patinoire, en Chambre de la Jeunesse à Montréal. Cette agression avec un bâton d'hockey est survenue durant un match de la LHJMQ après le changement de directives du DPCP. Cette affaire revient devant le tribunal le 30 juillet.