Encore aujourd'hui, plusieurs mois après avoir asséné un coup de bâton au visage d'un adversaire dans un match de la LHJMQ, le jeune hockeyeur accusé de voie de fait armée et de voie de fait causant des lésions ne s'explique pas son geste.

L'air calme, s'exprimant de manière polie, le jeune homme a témoigné pour sa défense, hier, au deuxième jour de son procès criminel en chambre de la jeunesse à Montréal.

«(En rentrant au vestiaire), j'essayais de m'expliquer comment j'avais pu le frapper au visage. Devant vous aujourd'hui, monsieur le juge, je ne peux toujours pas l'expliquer», a déclaré le jeune homme tiré à quatre épingles au juge Jacques A. Nadeau.

Une ordonnance de non-publication empêche les médias d'identifier l'accusé, mineur au moment des faits, ainsi que la victime qui, elle, était majeure.

Quand une mêlée éclate, «tu ne sais pas ce qui peut arriver», a dit l'accusé - aujourd'hui majeur. Ce soir-là, après avoir vu un de ses coéquipiers étendus sur la glace, l'accusé est parti du fond de la patinoire vers l'échauffourée, qui avait lieu au centre. Il a cherché un joueur adverse libre pour ne pas écoper d'une pénalité de «troisième homme» dans la bagarre, selon son témoignage. C'est là qu'il s'est mis à provoquer la victime, qui se dirigeait elle aussi vers la mêlée, en lui donnant un premier coup de bâton.

Deux autres coups à la poitrine assénés à la manière d'un double-échec ont suivi, alors que les deux joueurs étaient face à face. Constatant que la victime ne voulait pas engager le combat, l'accusé a décidé de la «repousser» en lui donnant un quatrième coup, selon ses explications. «C'est arrivé très vite. Mon réflexe a été de le pousser à la poitrine», a-t-il répété, contre-interrogé par la Couronne qui insistait sur le fait que la victime avait été atteinte à la bouche.

L'instant d'après, la victime s'est effondrée sur la patinoire. L'accusé, lui, s'est dirigé vers son banc. «J'étais en état de choc», a-t-il dit, ajoutant qu'il se sentait «terriblement mal» pour ce qui est arrivé. L'accusé a témoigné qu'il ne connaissait pas la victime. Il a par la suite écopé d'une suspension «sévère» (selon les critères de la ligue) de plusieurs matchs.

Jouer sous pression

L'accusé a décrit la «pression» de jouer dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, une organisation de 18 équipes majoritairement établies dans la province et composées de joueurs d'élite âgés de 16 à 20 ans.

«À cette étape, chaque joueur rêve d'atteindre la Ligue nationale», a-t-il résumé. Plus de 10 000 spectateurs assistent à chaque match de cette ligue semi-professionnelle, a-t-il fait valoir. En plus d'un maigre salaire de base et d'une allocation pour leurs frais, les joueurs de son équipe recevaient l'an dernier des «bonus» à la performance, a-t-il expliqué. Des gains totaux de 8000 $ en un an dans son cas.

Plus tôt dans la journée d'hier, un de ses entraîneurs est venu vanter les nombreuses qualités de l'accusé en tant que personne et comme hockeyeur. «Il a un sens du jeu au-delà de la moyenne. Il a une excellente éthique de travail. C'est un privilège de diriger un joueur comme lui», a dit cet homme de hockey, qui témoignait à la demande de la défense. Il a décrit l'accusé comme «un joueur intense qui aime déranger l'adversaire en restant à l'intérieur des règles».

Cet entraîneur a attribué le geste de son joueur à la confusion qui régnait à la suite du resserrement par la ligue, la saison dernière, de certains règlements liés aux bagarres. L'instigateur d'une bagarre est désormais puni plus sévèrement. «Ça a créé une ambiguïté chez les joueurs. Ils ont eu tendance à provoquer des bagarres sans laisser tomber les gants pour ne pas en être les instigateurs», a-t-il expliqué. Les blessures et même des points de suture à la bouche (la victime a dû se faire recoudre après le coup de bâton) sont chose courante dans une saison de hockey, a-t-il souligné.

De plus, l'»ambiguïté» de la position de la victime aurait pu laisser croire qu'elle voulait engager un combat, selon cet entraîneur. La victime aurait dû se tourner vers le côté et regarder dans une autre direction plutôt que de faire face à l'accusé sur la patinoire, a-t-il dit. «On ne l'enseigne pas. C'est un genre de code», a-t-il ajouté.

Durant la formation des joueurs, la possibilité d'être poursuivi au criminel n'est pas évoquée, selon l'entraîneur-adjoint.»Ça ne fait pas partie de notre monde», a-t-il conclu.

La Couronne a clos sa preuve, hier, après une journée de procès. La défense, représentée par Me Richard Shadley et Me Steve Magnan, continuera à présenter la sienne lundi. La victime et les parents de l'accusé assistent au procès.