Les avocats du gouvernement fédéral ont tenté mardi de convaincre la Cour fédérale d'appel que l'État canadien avait fait le nécessaire pour aider Omar Khadr depuis son arrestation par les autorités américaines et qu'il n'avait pas l'obligation de demander son rapatriement.

Khadr est le seul ressortissant occidental toujours détenu dans la prison de la base de Guantanamo. Il est accusé d'avoir lancé une grenade ayant causé la mort d'un médecin militaire lors d'une escarmouche en Afghanistan, alors qu'il avait 15 ans en 2002.

La procureure du gouvernement, Doreen Mueller, a consacré une bonne partie de la matinée à énumérer tous les efforts déployés par les diplomates canadiens pour lui venir en aide, depuis son arrestation et jusqu'à l'hiver dernier.

Dans sa plaidoirie, l'avocate a notamment fait référence à des lettres envoyées aux États-Unis pour exiger qu'il soit considéré comme une personne d'âge mineur, qu'il soit traité en conséquence et qu'il ne soit pas condamné à la peine de mort. Elle a aussi parlé des visites que lui ont faites des diplomates et des membres des services secrets canadiens, au fil des ans.

«Si le Canada a une obligation envers lui, il l'a certainement satisfaite avec tout ce qu'il a fait», a-t-elle insisté.

L'avocate a par ailleurs soutenu que les tribunaux ne devraient pas se mêler de cette affaire «complexe». À son avis, ordonner à Ottawa de rapatrier le jeune homme reviendrait en effet à usurper le pouvoir du gouvernement.

Ni la liste exhaustive des bonnes actions du ministère des Affaires étrangères, ni les arguments de Me Mueller n'ont cependant semblé convaincre les trois magistrats qui entendaient la cause à Ottawa.

Ces derniers tentent de comprendre pourquoi les conservateurs refusent de respecter une décision rendue en avril par le juge James O'Reilly de la Cour fédérale qui ordonnait au gouvernement de demander aux États-Unis de renvoyer Khadr au pays dès que possible.

Les juges ont ainsi demandé à plusieurs reprises à l'avocate quel problème posait le retour au Canada de ce meurtrier présumé, que les diplomates canadiens considèrent comme réhabilitable.

Me Mueller a paru avoir beaucoup de mal à répondre à cette question de manière satisfaisante pour la Cour.

Elle s'est en effet contentée de reprendre le refrain des ministres qui répètent sur tous les tons depuis des années que «Omar Khadr est accusé de crimes graves» et que le Canada estime qu'il faut attendre la fin du processus judiciaire en marche aux États-Unis.

En bout de ligne, la juge Karen Sharlow a émis l'hypothèse que le Canada ne voulait pas demander son rapatriement de peur d'obtenir «une réponse positive».

À l'issue de l'audience, l'avocat militaire du jeune Khadr, le lieutenant-commandant William Kuebler, a déclaré qu'à son avis, le président Barack Obama répondrait sans doute favorablement à une requête du Canada demandant le retour au pays de Khadr.

Selon lui, l'administration américaine n'a pas du tout envie d'être la première à faire un procès à un enfant soldat. Les responsables cherchent une manière de se sortir honorablement du pétrin dans lequel ils se trouvent avec Guantanamo.

Le président ne peut toutefois pas compter sur le Canada pour lui fournir une solution clefs en main. Le premier ministre Stephen Harper a en effet récemment déclaré à Fox News que le Canada n'accueillerait aucun prisonnier détenu à Guantanamo.

Lors de cette entrevue au réseau américain, M. Harper avait précisé qu'il ne «voulait pas faire du Canada un refuge pour tout individu perçu par le gouvernement des États-Unis comme étant un terroriste».

D'après Me Kuebler, Omar Khadr se trouve aujourd'hui plus que jamais dans les limbes, ignorant ce que l'avenir lui réserve.

La Cour fédérale d'appel a pris l'affaire en délibéré, après avoir entendu le procureur canadien du jeune homme, Dennis Edney.