Dans une requête déposée au tribunal la semaine dernière, un agent de la Sûreté du Québec (SQ) affirme qu'il a dû cesser son travail, il y a six ans, parce qu'il a subi des représailles après avoir dénoncé la vente de bière dans son poste de police, à Bécancour, au sud de Trois-Rivières, ainsi que d'autres activités controversées.

L'agent Guy Simard soutient que le club social des policiers de la SQ de Bécancour achetait et entreposait des bouteilles de bière qu'il revendait aux agents, alors qu'il n'avait pas de permis de vente d'alcool. M. Simard a dit à La Presse que des policiers pouvaient boire jusqu'à quatre bouteilles de suite pendant leur quart de travail.

 

«Quand j'ai dit à mon supérieur que cela pouvait poser un problème, il m'a répondu que la consommation de bière était tout à fait normale, a-t-il dit. Selon son expression, ça faisait du bien aux gars. Il me semble que ce n'était pas la meilleure idée que d'avoir des gars armés qui buvaient au travail.»

M. Simard a aussi remarqué que des policiers auxiliaires réclamaient des primes pour les repas, la nuit, alors qu'ils n'y avaient pas droit. «J'ai su que de fausses réclamations étaient faites pour demander ces primes, pas seulement à Bécancour, mais dans plusieurs postes au Québec, a-t-il dit. La loi oblige les policiers à dénoncer les abus. C'est ce que j'ai fait. Mais j'en ai payé le prix.»

«Le milieu de travail est devenu hostile et s'est détérioré de façon sans précédent», écrit-il dans sa requête, déposée jeudi au palais de justice de Montréal. Alors qu'il voulait partir sur la route pour surveiller les excès de vitesse, il a constaté que le radar de sa voiture avait été rendu inopérant. À deux occasions, alors qu'il avait lancé un appel sur les ondes, personne ne lui avait répondu.

«J'ai compris que personne ne viendrait à mon secours si je me trouvais dans une situation dangereuse, a-t-il dit. J'ai donc dû cesser le travail. La Commission de la santé et de la sécurité du travail m'a donné raison et a ordonné à mon employeur de garantir ma sécurité au travail, mais ça n'a jamais été fait. J'ai été couvert par la CSST pendant deux ans et demi. Depuis 2006, je suis en congé de maladie. Mon médecin me dit que je suis apte au travail, mais la SQ prétend que non.»

Depuis six ans, M. Simard touche son salaire, soit environ 70 000$ par année. Il a déposé des griefs à son syndicat, l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), mais, selon lui, ses griefs n'ont jamais été entendus.

Sa requête vise d'abord son syndicat: il réclame 800 000$ à l'APPQ. Il soutient que le processus de griefs ne respecte pas les Chartes des droits. «Je n'ai aucun moyen de me faire entendre», dit-il. Sa requête vise aussi le ministère de la Sécurité publique.

Un autre cas

M. Simard n'est pas le seul policier qui affirme avoir subi des représailles après avoir fait des dénonciations. C'est aussi le cas de Mikel Golzarian, policier d'origine iranienne qui dit s'être fait montrer la porte après avoir protesté contre des comportements racistes à son égard, et du lieutenant Raymond Neveu, qui a révélé des violations à la Loi sur les armes à feu au poste de Sept-Îles. Après ces dénonciations, M. Neveu s'est retrouvé dans une situation conflictuelle avec son supérieur. Il est accusé d'avoir proféré des menaces à son égard. Son procès a commencé hier à Sept-Îles.

Personne n'a voulu commenter la requête de M. Simard à l'APPQ. De son côté, l'inspecteur Michel Martin, responsable des relations avec les médias à la SQ, a indiqué que des enquêtes avaient été déclenchées après la réception de ses plaintes.

«Des manquements ont été constatés concernant l'alcool, a dit M. Martin. Des personnes ont été citées en discipline, mais ont été acquittées. La vente de bière n'était pas illégale, car elle était faite sans générer de profit. Mais nous avons émis un communiqué interne pour interdire la consommation de boissons alcooliques dans les postes de police, sauf en de rares exceptions.

«Une enquête a aussi été faite sur les primes réclamés par les policiers auxiliaires pour les repas pris la nuit. Une mauvaise interprétation du contrat de travail avait été faite, mais il n'y avait pas de mauvaise intention. Nous avons apporté des clarifications.»

M. Martin a dit que M. Simard n'était pas réintégré dans son travail parce que le médecin de la SQ estime qu'il est inapte à travailler, contrairement à l'opinion de son médecin traitant. «Le dossier sera soumis sous peu à un arbitrage médical», a-t-il dit.