Ami du chef des Hells Angels Nomads Maurice Boucher, l'ancien joueur de ho-ckey des Nordiques de Québec Normand Descôteaux connaît des démêlés avec le fisc depuis sa condamnation en 2001, en marge d'un florissant «commerce» de prêts usuraires qu'il exploitait clandestinement avec son fils Stéphane et un certain Daniel Desruisseaux, chargé de collecter les mauvais payeurs.

Après avoir laissé 4,5 millions en amendes en Cour du Québec, Descôteaux et les proches qui l'ont aidé à recycler son argent sale sont aujourd'hui poursuivis pour une somme globale de 2,9 millions. Les cotisations portent sur les années 2002 à 2008. Le gros de l'impôt a été éludé à l'aide d'une fiducie mise sur pied en 2006, indique un jugement rendu le 3 avril, en Cour fédérale.

 

Essentiellement, les inspecteurs du fisc reprochent à la fiducie administrée par des membres de la famille de l'usurier mont-réalais d'avoir caché tous ces millions par le biais d'une série d'au moins 26 transactions immobilières «complexes et nébuleuses» avec des entreprises ayant «de nombreux liens entre elles et les individus qui font affaire avec la fiducie», précise le document judiciaire.

Un exemple: la fiducie émet un chèque à un notaire pour financer l'achat d'un immeuble. Ce financement n'est assorti d'aucune garantie hypothécaire, si ce n'est un document sous seing privé (prêt à demande). Le jour même ou le jour suivant, l'immeuble est parfois revendu 50 000$ au-dessus de la somme accordée par la fiducie. Le nouvel acheteur paie son dû au vendeur grâce à un prêt contracté dans une institution financière. De son côté, la fiducie se voit rembourser le prêt qu'elle a consenti, ainsi qu'un léger intérêt. Comme elle avance aussi le dépôt exigé du deuxième acheteur - de sorte qu'il n'ait pas à débourser un sou de sa poche pour l'achat de l'immeuble - la fiducie se voit aussi rembourser ce dépôt.

Selon les enquêteurs fédéraux, les profits de la fiducie passaient par la société Gestion Malgraf, spécialisée dans l'affacturage de chèques. Sise au 1555, boulevard des Laurentides, à Laval, cette entreprise a fait l'objet de perquisitions de la police dans le passé. Les propriétaires sont apparentés au richissime caïd du narcotrafic Albert Thibault, sorti de prison l'an dernier.

Au passage, les enquêteurs de Revenu Canada écorchent le comptable de la fiducie, Marco Boulanger, et un notaire qui a instrumenté plusieurs transactions. Deux des entreprises «acheteuses et revendeuses» opèrent sous pas moins de 22 noms différents. Entre le 6 mars et le 3 avril 2008, une entreprise de gestion sous la coupe de Descôteaux a réalisé un profit de 374 700$ en revendant le jour même ou le lendemain trois immeubles situés dans l'est de Montréal. L'un d'eux, rue Sainte-Catherine, abrite le restaurant Club Sandwich, qui a maintes fois servi de lieu de rencontre à Maurice Boucher et ses troupes.

«Normand Descôteaux a été à la tête d'un réseau de fraude par financement hypothécaire par surévaluation», estiment les enquêteurs. Tout en leur donnant raison sur le fond, le juge Beaudry, de la Cour fédérale, parle pour sa part de «comportement et de pratiques commerciales peu orthodoxes» de Descôteaux et ses proches. Il a donc rejeté avec dépens la requête que ces derniers avaient déposée l'an dernier pour faire annuler les cotisations qui leur sont imposées, totalisant 2,9 millions.