Malgré la réputation de «bons voisins» des Hells Angels, les résidants de Sorel-Tracy espèrent que l'opération SharQC sonne la fin de l'organisation criminelle dans leur région. Ils étaient nombreux, mercredi, à souhaiter la fin du régime de silence et de peur qui s'est installé dans la région à l'arrivée des motards au début des années 80.

«Il n'y a personne à Sorel que je connaisse qui est contre ce grand ménage», a commenté le maire de la ville, Marcel Robert. «Sorel a toujours traîné une image négative à cause de la présence des Hells alors que c'est un endroit très agréable à vivre. C'est la réputation de Sorel et de ses citoyens qui s'est améliorée aujourd'hui.»

Une frappe au petit matin

L'escouade régionale mixte a frappé à Sorel-Tracy un peu après 5h mercredi. En tout, 21 personnes étaient visées dont 19 membres. Des figures influentes du gang comme Jean-Paul Ramsey et Sylvain «Pit» Chalifoux vivaient dans la municipalité. Serge Lebrasseur, membre du chapitre de Trois-Rivières, a également été arrêté à son domicile de la rue Tellier. La descente a eu lieu devant sa conjointe et ses deux enfants.

«Sept policiers de l'escouade mixte sont débarqués chez nous en criant avec leurs guns et ils ont arrêté mon père. Ils n'ont pas été trop rough avec lui», a expliqué le fils de Lebrasseur, David, 19 ans. «Ça me stresse, je n'ai pas envie qu'il aille en prison. Mais je suis habitué. C'est la quatrième descente chez moi depuis que j'ai six ans», a ajouté le jeune homme vêtu d'une chemise Harley-Davidson.

Des témoignages révélateurs

Comme partout au Québec, l'escouade régionale mixte a fait des perquisitions dans les résidences de motards arrêtés. À Sorel, les policiers ont fouillé neuf endroits, dont le bâtiment adjacent au bunker des Hells qui a été ravagé par les flammes l'automne dernier à la suite d'un attentat au camion-citerne. L'immeuble de deux étages, rue Prince, serait devenu le nouveau local du chapitre de Montréal à la suite de l'incendie.

Dans le quadrilatère où est situé le quartier général du chapitre de Montréal, la réaction des résidants oscillait entre le détachement et l'indifférence. Mais ailleurs en ville, les citoyens interrogés par La Presse se sont dit soulagés et heureux de l'ampleur de l'opération policière.

«Ils avaient de belles maisons, des parts dans pratiquement tous les commerces de la ville et se la coulaient douce sur leurs bateaux dans le port de Sorel», a dénoncé une résidante prénommée Lucie.

«Pendant ce temps, ils faisaient travailler les jeunes de la région comme petits trafiquants et c'est eux qui se faisaient arrêter. C'est une très bonne nouvelle que les policiers se soient attaqués à la source du problème.»

«Les Sorelois ont beau affirmer que les Hells sont des voisins tranquilles, la vérité c'est que tout le monde a peur d'aborder le sujet», a ajouté Josée, une commerçante. «C'est délicat d'en parler parce que, ici, tout le monde est apparenté de près ou de loin à un membre ou un sympathisant. Je suis moi-même allée à l'école secondaire avec des Hells. J'espère que les arrestations vont briser la loi du silence qui règne dans la ville.»

Des craintes

André et Marie, un couple qui vit à quelques rues du repaire des Hells, abondent dans le même sens.

«Même s'ils n'ont jamais causé de trouble, c'est sûr qu'on voit l'opération d'un bon oeil. Les Hells sont comme des mauvaises herbes. On ne les a jamais voulus dans notre cour, mais ils ont toujours été là et nous n'avons jamais rien pu faire. Ce qui me fait peur, c'est que, comme de la mauvaise herbe que tu arraches, les Hells repoussent quand même.»