Mathieu Razanakolona, un Québécois qui a skié aux Jeux olympiques de Turin, en 2006, n'ira pas en prison pour la fraude à laquelle il a participé, un an plus tard. Cette fraude de 462 000$ a été commise aux dépens des caisses Desjardins, qui l'employaient comme caissier.

Rejetant la suggestion de prison ferme de la Couronne, hier, le juge Claude Millette a plutôt condamné l'accusé à une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité. Cette peine est cependant assortie d'un couvre-feu très restrictif, et de travaux communautaires. Vu l'assignation à domicile, qui lui interdit d'être à l'extérieur de chez lui le soir et la fin de semaine, sauf pour ses études, le jeune homme pourra difficilement continuer de jouer au football avec les Carabins de l'Université de Montréal. L'avocat de l'accusé, Me Robert Polnicky, a tenté de faire assouplir cette condition pour le football, mais le juge est resté inflexible. Le magistrat a cependant rejeté l'idée d'un dédommagement en argent, proposée par la procureure Céline Bilodeau. Le jeune homme n'en a pas les moyens, a tranché le juge. Il étudie actuellement aux HEC, pour devenir comptable agréé. Par ailleurs, au moins deux autres personnes ont participé à cette fraude et, en toute équité, elles aussi devraient contribuer au dédommagement, estime le juge. Or, c'est impossible, parce que ces personnes, qui ont proposé le marché à Razanakolona, ne sont pas identifiées.

 

La fraude en question s'élève à 462 000$. Il s'agit de retraits faits aux guichets automatiques, au moyen de cartes clonées. Razanakolona n'a pas fait les retraits lui-même, mais il a fourni les dates de naissance de clients aux fraudeurs, ce qui a permis à ces derniers de retirer des sommes beaucoup plus importantes (jusqu'à 1000$ par jour, au lieu des 280$ habituels). La Couronne estime que la somme imputable à Razanakolona est de 308 000$. Ce dernier avait facilement accès aux dates de naissance, car il travaillait à temps partiel depuis quatre ans dans une succursale des caisses Desjardins, lorsque les crimes ont été commis, en juin 2007. Les fraudeurs avaient promis une rétribution de 100$ par date de naissance, mais Razanakolona affirme ne pas avoir reçu un sou. Il faut dire qu'il s'est fait prendre rapidement. Il a évidemment perdu son emploi, et a plaidé coupable à des accusations de fraude dans cette affaire. Pour calibrer la sentence, le juge a aussi tenu compte du fait que Razanakolona avait un parcours sans tache jusque-là, et qu'il était en peine d'amour quand il a commis les gestes.

En chute libre

En considérant toutes les facettes de cette affaire, le juge a conclu que ce serait contre-productif d'envoyer Razanakolona en prison. «Je ne vois aucune raison d'envoyer ce jeune homme en milieu carcéral et de le faire évoluer pendant une période plus ou moins longue dans un milieu fortement criminalisé, milieu qui lui est tout à fait inconnu et qui ne risquerait que de le perturber davantage», a noté le juge. Le jeune homme, qui était accompagné de sa famille, n'a fait aucun commentaire en sortant de la salle d'audience, mais il paraissait soulagé de ne pas aller en prison.

Né au Québec d'un père malgache et d'une mère québécoise, le jeune Razanakolona a grandi à Shawinigan. Il s'est fait connaître dans tout le Québec en réussissant à skier pour Madagascar, aux Jeux de Turin. Ce faisant, il voulait donner une visibilité à ce pays d'Afrique, l'un des plus pauvres de la planète, disait-il. Son frère et lui avaient d'ailleurs créé un organisme à but non lucratif pour favoriser des projets humanitaires à Madagascar. Dans la foulée de leurs gestes d'éclat, les frères avaient été honorés et avaient donné des conférences dans les écoles pour encourager les jeunes à persévérer et à croire en leurs rêves. Une des pistes de ski du centre Vallée du Parc, où les frères ont skié pendant 12 ans, avait été renommée «Razanakolona» en leur honneur. La piste a été débaptisée en mars dernier, après que les détails de la fraude eurent été révélés. La piste a retrouvé son nom d'avant, Yoho.