Malgré un calme apparent, le feu couve sous les braises dans le quartier où Fredy Villanueva a perdu la vie, statue le rapport final des chantiers de Montréal-Nord en santé.

La «discrimination» dont les citoyens sont victimes a engendré un «malaise profond» chez les habitants du quartier, peut-on lire dans le document de 40 pages. Un malaise, écrit-on, ressenti «de plus en plus collectivement» et qui mène à des «expressions de colère et de révolte» dont l'ampleur «continue de s'accroître». Le rapport, qui sera rendu public demain, mais dont La Presse a obtenu de larges extraits, constitue le produit final des grands chantiers lancés à la suite des événements d'août par le maire Gérald Tremblay. Plus de 120 personnes ont participé à ces chantiers. Le rapport compte plus d'une centaine de recommandations. Et il pose un certain nombre de constats brutaux. «La discrimination, le racisme, l'exclusion et le sentiment d'être des citoyens de seconde zone engendrent un malaise profond chez une part importante de la population de Montréal-Nord», écrivent les 15 membres du chantier prévention et sécurité publique, dont le commandant du poste de quartier 39, Roger Bélair, fait d'ailleurs partie.«Si autrefois le sentiment d'exclusion était vécu individuellement, il est de plus en plus ressenti collectivement par des groupes de citoyens de Montréal-Nord, en particulier les membres des minorités visibles ou les résidants de secteurs sensibles. Les expressions de frustration, de colère et de révolte qui en découlent prennent ainsi une ampleur qui continue de s'accroître», écrivent-ils. Ce malaise, précise - t- on ensuite, n'est pas uniquement dirigé vers les forces policières, qui, dans l'ensemble, «font bien leur travail «. La critique vise « l'ensemble des services publics». Néanmoins, certains agents du poste de quartier 39 sont particulièrement visés, parce qu'ils «font montre d'attitudes et de comportements inappropriés qui vont affecter l'image et les conditions de travail de l'ensemble de leurs collègues». Les interpellations de jeunes, comme celles qui ont mené à la mort de Fredy Villanueva, «soulèvent des questions sur les pratiques associées au profilage racial que ce soit par des policiers ou par des citoyens qui déposent des plaintes. Malgré les efforts du SPVM pour prévenir ce profilage, plusieurs voient les interpellations parmi ses manifestations.»

La délicate question des jeunes

Mais les jeunes ont aussi leur part de responsabilité dans le climat qui règne dans le quartier. «Les manifestations d'incivilité et d'irrespect sont fréquentes. Dans plusieurs cas, ces comportements témoignent des problèmes d'encadrement dans les familles, souvent accentués dans les cas de familles monoparentales où la mère doit travailler et s'absenter du ménage pour des périodes prolongées alors que le père est absent et non disponible et que, par ailleurs, les activités proposées aux jeunes demeurent nettement insuffisantes.» En conséquence, les membres du chantier recommandent aux policiers de mieux doser les interventions de prévention et de répression.

«Les grands criminels doivent être traités avec la sévéritéque commandent leurs gestes et leur influence dans le milieu», écrit-on. Cependant, «il ne faut pas mettre tous les jeunes dans le même sac et aborder différemment les jeunes qui se livrent à de la délinquance plus «légère». Il s'agit dans ce cas de miser sur la prévention et la réinsertion sociale, mais surtout d'offrir aux jeunes l'accès à des lieux, des équipements et des activités valorisantes. Ces lieux font cruellement défaut dans les secteurs sensibles». On propose donc la mise en place d'un «continuum» d'activités, pour toutes les périodes de la vie d'un jeune et pour toutes les époques de l'année, en particulier hors des heures de classe. Ailleurs dans le document, d'autres chantiers proposent de construire un nouveau complexe sportif dans le nord-est du quartier ou d'organiser un grand festival de la jeunesse avec un tournoi de basket de rue. Côté aménagement urbain, on propose de créer «un pôle du savoir et de l'enseignement» dans le nordest du quartier, aux abords des écoles Jules-Verne, Henri-Bourassa et Lester B. Pearson. Dans ce nouveau «campus» on retrouverait une place publique, une promenade piétonne et une piste cyclable, ainsi que des plateaux sportifs intérieurs et extérieurs, offerts en collaboration avec les écoles. On suggère aussi «d'améliorer et d'accroître» l'utilisation de la Maison culturelle et communautaire, récemment bâtie dans ce secteur.