Dix ans après s'être entendus sur une clause discriminatoire, Laval et son syndicat de pompiers ont été épinglés par le Tribunal des droits de la personne. Ils devront payer conjointement 675 000$ à 38 jeunes pompiers qui ont été lésés.

La Ville de Laval a aussitôt annoncé hier qu'elle comptait porter la décision en appel. «Ce que nous avons fait l'a été en toute bonne foi à l'époque: nous devions trouver une solution», dit Marc Laforge, porte-parole à la Ville. L'Association des pompiers entend soumettre la question à ses membres la semaine prochaine. «Notre prétention, c'est que c'est à l'employeur de payer, pas à nous», précise Richard Carpentier, président.

 

En 1998, Laval, comme toutes les municipalités québécoises, est obligée de diminuer ses coûts de main-d'oeuvre de 6% en vertu de la loi 414. Plusieurs d'entre elles choisissent la même voie, celle des clauses discriminatoires envers les nouveaux employés, surnommées «clauses orphelin». La loi 414 interdit par ailleurs de diminuer les salaires des employés déjà à l'emploi des municipalités, mais permet de leur demander des concessions sur les autres conditions de travail, comme les vacances et le régime de retraite.

Laval et l'Association des pompiers s'entendent alors sur une convention collective qui traite différemment les nouveaux pompiers: ils gagneront moins à l'embauche et prendront 18 mois de plus que les anciens pour atteindre le maximum de leur rémunération, soit 54 000$. La convention est adoptée en assemblée générale par 96% des pompiers. La même clause a été renouvelée dans les conventions collectives signées en 2001 et en 2005.

Irrités par ce qu'ils perçoivent comme une injustice, les pompiers recrus - ils sont une dizaine en 2001 - attendent jusqu'en décembre 2004 pour porter plainte devant la Commission des droits de la personne. Au total, une cinquantaine de plaintes provenant d'autant de pompiers, sur les 190 alors à l'emploi de Laval, sont déposées devant la commission, qui transmet le dossier au tribunal des droits de la personne.

La décision est tombée le 5 mars dernier: Laval et l'Association de pompiers ont adopté une convention collective comportant des clauses discriminatoires fondées sur l'âge. Selon un tableau déposé en preuve, les pompiers lésés étaient mathématiquement les plus jeunes. Dans le groupe des 20-29 ans, par exemple, 96% des 26 pompiers étaient concernés par la clause orphelin. Aucun pompier de plus de 40 ans n'était lésé. Le Tribunal a cependant rejeté 12 plaintes sur 50, celles des pompiers embauchés après 2003. Ceux-ci ne sont plus traités de façon discriminatoire, estime le tribunal, puisque tous les pompiers sous l'ancien régime ont atteint le maximum de leur salaire. Les 38 pompiers lésés se partagent des sommes allant de 7000 à 26 000$, la moyenne tournant autour de 23 000$.

L'Association des pompiers de Laval se défend aujourd'hui d'avoir négocié des concessions sur le dos de ses jeunes. «Il fallait trouver 1,8 million, c'est ce que la Ville nous demandait, la pression était très forte, dit Richard Carpentier. Par la suite, on a toujours travaillé pour améliorer la situation de nos jeunes. Nous somme un des seuls corps importants de pompiers au Québec à n'avoir aucun occasionnel ou temporaire, que des permanents.»

La décision a été applaudie par Force Jeunesse, un organisme créé en 1998 et visant la défense des conditions de travail des jeunes. Son président, Jonathan Plamondon, se dit cependant inquiet de voir un retour en force de ces clauses discriminatoires. «Ça commence à revenir à la mode, c'est notre perception. On craint que la crise économique serve de prétexte pour instaurer des clauses orphelin soi-disant temporaires.»