L'avocat Louis Pasquin est devenu tristement célèbre, hier. Il est le premier avocat au Canada déclaré coupable de gangstérisme.

Après neuf mois de délibérations, le juge Carol St-Cyr a rendu ce verdict de culpabilité, hier, au palais de justice de Montréal. Tout comme les deux autres accusés dans ce procès, Carmelo Venneri et Jean-Daniel Blais, Me Pasquin a aussi été reconnu coupable de complot et de trafic de cocaïne.La Couronne a demandé que les trois hommes prennent immédiatement le chemin de la prison. Mais le juge en a décidé autrement. Ils demeureront en liberté jusqu'au prononcé de la peine, prévu dans plus de deux mois, a tranché le juge St-Cyr, puisqu'ils ont respecté leurs conditions durant tout le procès.

Les trois hommes ont été arrêtés en même temps qu'une vingtaine d'autres personnes, le 14 mars 2006, dans le cadre d'une enquête de la Sûreté du Québec baptisée «opération Piranha». L'opération visait à démanteler un réseau de trafiquants de cocaïne, dont la tête dirigeante est Louis-Alain Dauphin. Ce réseau, qui menait ses activités dans les Laurentides, était lié aux Hells Angels et à la mafia italienne.

Pour coincer le «gang du Nord», les policiers ont intercepté plus de 130 000 conversations téléphoniques. Ils ont fait de la filature en plus de saisir 49 kg de cocaïne.

«Aux yeux de la Cour, il apparaît clair que selon toute probabilité Louis Pasquin a été un des coconspirateurs dans l'organisation de Dauphin», a écrit le magistrat, hier, dans son jugement d'une cinquantaine de pages.

Au cours du procès, Louis Pasquin a témoigné pour sa défense. Il avait alors plaidé l'ignorance et la bonne foi professionnelle puisque Dauphin était l'un de ses clients. Le juge St-Cyr ne l'a pas cru.

«Dès les premières interceptions téléphoniques le mettant en cause, on constate l'utilisation par l'accusé Pasquin d'un langage rempli de sous-entendus, truffé d'imprécisions volontaires et empreint d'une familiarité singulière», a indiqué le magistrat.

Intermédiaire du réseau de trafiquants

Pasquin agissait à titre d'intermédiaire entre un fournisseur de drogue, Michael Russell, et le chef du gang, Louis-Alain Dauphin. La résidence du criminaliste à Lachenaie a servi de pied-à-terre aux trafiquants. Dans l'une des conversations téléphoniques, le criminaliste a même dit à son ami Dauphin qu'il allait «mettre au pas» Russell. Les trafiquants ont aussi consulté l'avocat pour régler un problème de liquidité en vue d'acheter une cargaison de drogue. À l'époque, Me Pasquin était en couple avec la soeur de Russell. Ce dernier n'a pas été jugé avec les trois coaccusés. Il revient en cour à la fin de mars. Quant au chef, Louis-Alain Dauphin, il a plaidé coupable et purge actuellement une peine de neuf ans de pénitencier.

Me Louis Pasquin risque plusieurs années de prison. Il sera de retour en Cour, tout comme ses deux coaccusés, à la fin du mois d'avril pour les plaidoiries sur la peine. «Les avocats ne sont pas au-dessus des lois. Ce sont des citoyens comme les autres», a commenté l'une des deux procureurs de la Couronne, Me Madeleine Giauque.

Une enquête criminelle contre un avocat est «complexe» à mener, a expliqué Me Giauque. Pour préserver le secret professionnel, aucune conversation de Me Pasquin n'était écoutée au moment de leur enregistrement. Les conversations étaient gravées sur CD, puis apportées sous scellé à un juge qui procédait à l'écoute. Ce juge déterminait ensuite à quelle conversation les procureurs de la Couronne auraient accès.

L'avocat de Pasquin, Me Pierre Pannacio, songe à porter la cause en appel. De son côté, l'avocat de Carmelo Venneri, Me Claude Olivier, aurait préféré que son client subisse un procès séparé. «Quand un avocat est accusé d'une infraction au criminel, il devrait être jugé seul compte tenu de l'opinion publique sur ce qu'est un officier de justice», a-t-il expliqué.