À l'heure où les gouvernements se targuent de vouloir enrayer les «crimes transfrontaliers», les spécialistes de la lutte contre le crime organisé de la police de Montréal n'ont toujours pas le feu vert pour entrer en Ontario ou dans une autre province quand ils suivent des criminels. L'inverse est aussi vrai, sauf dans le cas de policiers de la Sûreté du Québec et de la police provinciale de l'Ontario (OPP) munis d'autorisations spéciales.

Le ministère de la Sécurité publique assure pourtant depuis quelques années qu'il va régler le problème avec ses homologues provinciaux, mais le dossier traîne. Depuis un bon moment déjà, plusieurs policiers montréalais ont même prêté serment et rempli les formulaires de «shérif ad hoc» qui leur permettraient d'agir à l'extérieur des frontières québécoises. La liste d'origine soumise par la police de Montréal comprenait les noms de quelque 125 enquêteurs.

 

«On perd notre statut d'agent de la paix dès qu'on quitte la province», explique un officier de la police de Montréal. En étant limités au territoire québécois, les policiers montréalais doivent rebrousser chemin dès qu'un suspect sous filature franchit la frontière. Ils ne peuvent non plus procéder à une arrestation dans une autre province - le Code criminel est pourtant le même partout au Canada! - ou faire de la surveillance sans l'aide des policiers locaux.

Sans nécessairement compromettre les enquêtes, l'interdit «extraterritorial» complique énormément le travail des détectives montréalais. «Ça rend notre tâche plus difficile, mais ça étire surtout les enquêtes, ce qui entraîne d'importants coûts inutilement. Faute de poursuivre la filature, on perd parfois des éléments de preuve indispensables. C'est sans compter les pirouettes qu'il faut faire pour rattraper le temps perdu. Et qui paie au bout du compte? Le justiciable», de déplorer l'un d'eux.

Depuis que les réseaux de trafiquants de marijuana québécois font dans l'exportation aux États-Unis, les policiers doivent fréquemment intervenir en sols voisins, le plus souvent en Ontario et au Nouveau-Brunswick. En cours d'enquête, dans les cas où ils ont des raisons de croire que le trafiquant va quitter le territoire québécois, ils s'en remettent à la Sûreté du Québec ou demandent l'aide de collègues des autres provinces. Déjà débordés, il arrive que ceux-ci ne puissent prendre la relève ou qu'ils assignent des effectifs insuffisants. Une fois l'enquête terminée, ces mêmes policiers sont souvent contraints de venir témoigner à Montréal.

Le sous-ministre de la Sécurité publique, Robert Lafrenière, qui devrait normalement suivre le dossier, n'a pas rappelé La Presse. Un porte-parole, Mario Vaillancourt, s'est contenté de dire que la situation était inchangée. «C'est le statu quo», a-t-il dit, en nous référant à la police de Montréal et à l'OPP.