La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) vient de révoquer les permis de deux bars «liés» au crime organisé. L'un, à Sorel-Tracy, était fréquenté par des motards et l'autre, à Montréal, venait d'être acquis par un prête-nom lié à des proches d'un gang appelé Black Dragon.

Dans le cas de la Maison du reggae, au coeur du Quartier latin, la décision a quand même été assez facile à prendre: non seulement les titres et le financement du bar-terrasse de la rue Saint-Denis suscitaient des interrogations, mais le nouveau demandeur, Cezar Brumeanu, l'avait exploité illégalement pendant quelques mois à la suite de son ouverture, à l'automne 2007.

 

Se disant seul actionnaire du nouvel établissement, Bruemanu avait acheté le fonds de commerce de l'ancien bar Au deuxième Saint-Ciboire, qui détenait les permis requis depuis novembre 2006. Lors de l'audience de la RACJ, en août dernier, l'ex-tenancier est venu dire qu'il avait remis les clés de l'établissement à Bruemanu quelques mois après avoir été entièrement payé, le 10 juin 2007.

Passé douteux

Appelés à faire enquête, les policiers ont finalement découvert, après maintes embûches, que les 50 000$ ayant servi à l'achat du bar provenaient d'investisseurs au passé plus que douteux. Des cinq, quatre ont des casiers judiciaires pour des affaires de drogue ou de monnaie contrefaite. Selon la police, ils sont tous liés à des organisations criminelles. Certains fréquentent notamment des membres des Black Dragon. C'est sans compter, notent les régisseurs, que l'un des trois actionnaires de la Maison du reggae ne figure pas dans les registres de la RACJ ni dans ceux du Bureau des entreprises.

«Cette situation très factuelle permet de croire que la demande de permis est faite au bénéfice d'autres personnes», a conclu la RACJ, en invitant Cezar Brumeanu à refaire ses devoirs selon les règles s'il veut vraiment exploiter un bar un jour. C'est ainsi que la Maison du reggae, si elle reste ouverte, ne peut jusqu'à nouvel ordre servir de boissons alcoolisées. L'établissement se trouve au deuxième étage du 1693-A, rue Saint-Denis.

Du côté du Bar Zorro, rue Adelaïde, à Sorel-Tracy, qui jouit de permis temporaires depuis 2006, la situation est tout aussi ambiguë et «problématique». Les trois principaux actionnaires qui se sont succédé depuis quatre ans «sont connus par les services policiers et ont des liens avec le crime organisé», indique un rapport de la RACJ du 20 janvier 2009. Fraîchement détentrice de 99% des parts de l'entreprise, Suzanne Lapointe est la conjointe de Sylvain Beaucage, décrit comme une «relation» de Serge Lebrasseur, membre des Hells Angels de Sorel. De 2005 à 2006, elle avait par ailleurs comme associée la veuve du motard Gilles Lapierre, de la filiale des Rowdy Crew. Celui-ci est mort dans un accident d'auto il y a quelques années.

À en croire l'ordonnance de révocation des permis rendue par les régisseurs, ce n'est pas tant les titres du Bar Zorro qui posent problème que la tenue générale de l'établissement, ainsi que le manque de collaboration et l'arrogance des tenanciers à l'égard des policiers. Depuis 2006, ceux-ci ont relevé nombre d'infractions (vente illégale d'alcool, consommation de drogue, accrocs aux heures d'ouverture, etc.), en plus de constater la présence de motards et de revendeurs de drogues dans l'établissement.