«Je ne comprends pas comment une telle chose a pu arriver au Canada. Ça fait une semaine qu'on annonce du grand froid. C'est déplorable. On ne laisse même pas les chiens mourir comme ça.»

Dans le stationnement enneigé du chantier de construction du viaduc de l'avenue Pinard, à Saint-Hyacinthe, six jeunes hommes montréalais d'origine algérienne sont débarqués en trombe, vers midi, hier. Leur indignation était flagrante. Leur sinistre mission: récupérer la voiture d'Hamid Zebroune, un gardien de sécurité mort tragiquement dans une roulotte, pendant la nuit de mercredi à hier, alors qu'il surveillait l'équipement de construction de la firme Aecon, maître d'oeuvre du chantier.

 

L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années et père de quatre enfants, est mort d'une intoxication au monoxyde de carbone provoquée par une génératrice portable. Son corps a été retrouvé au petit matin.

«La génératrice se trouvait à l'intérieur de la roulotte», a précisé Julie Melançon, porte-parole de la CSST. L'organisme a dépêché sur les lieux trois inspecteurs qui ont scruté à la loupe, jusqu'à 14h, la roulotte de tôle rouge et blanc où s'est déroulé le drame. Aucun système de ventilation n'était visible de l'extérieur des installations.

Une autopsie sera effectuée sur le corps au cours des prochains jours. La Sûreté du Québec fait également enquête.

Électricité et chauffage coupés

Selon nos informations, le chantier que surveillait M. Zebroune devait fermer pour l'hiver hier. L'alimentation électrique et le chauffage ont été coupés mercredi soir dans la roulotte, en prévision du démantèlement temporaire, ont affirmé les proches de M. Zebroune.

«C'était sa dernière nuit de travail. L'entreprise pour laquelle il travaillait lui a donné des instructions. Mais on ne sait pas ce qui s'est passé. Pourquoi le chauffage a-t-il été coupé par un si grand froid? Pourquoi la génératrice se trouvait-elle à l'intérieur de la roulotte?» demande Nassim Gerbah, ami de la famille. C'est la femme de M. Zebroune qui l'a appelé mercredi soir. «Elle n'arrivait pas à joindre son mari, ça la faisait paniquer. J'ai essayé à mon tour de l'appeler à 20h, à 22h et à minuit.»

N'ayant pas de réponse, M. Gerbah s'est rendu au chantier tôt hier matin. «Le corps n'était déjà plus là quand je suis arrivé à 8h. Les enquêteurs de police étaient déjà sur place. Ils m'ont posé des questions», a raconté M. Gerbah.

En panique, il a appelé ses amis. «Ils sont venus de Montréal. Nous nous sommes rendus à l'hôpital et nous avons vu le corps. Selon ce qu'on sait, Hamid s'est mis à vomir dans la roulotte à cause du monoxyde de carbone. Il était trop faible pour sortir.»

Jointe au téléphone, la femme de M. Zebroune était incapable de donner davantage de détails tant elle hurlait de rage.

Un employé d'Aecon rencontré sur place en fin de matinée a refusé de nous accorder une entrevue. «Il ne travaillait pas pour nous», s'est-il contenté de dire. Joint à Toronto, le vice-président d'Aecon, Mitch Patten, a pour sa part assuré que l'entreprise travaillera en étroite collaboration avec la CSST et la Sûreté de Québec pour déterminer les causes exactes de l'accident mortel. «C'est un événement tragique. Nous ferons tout ce qui est possible pour apprendre des erreurs qui ont été commises», a-t-il dit.

Selon lui, la génératrice se trouvait sur place en cas de besoin urgent en électricité.

500 accidents par année

Bon an, mal an, environ 500 accidents de travail sont liés à des intoxications au monoxyde de carbone. Les génératrices à essence sont impliquées dans 37,5% de ces accidents, révèle un rapport de l'Institut de recherche en santé et sécurité au travail. «Tous les équipements auxquels on ajoute du combustible doivent être gardés à l'extérieur en tout temps lorsqu'ils fonctionnent, rappelle Alexandra Reny, porte-parole de la CSST. Si on veut les utiliser à l'intérieur, il faut obligatoirement utiliser un tuyau métallique spécial et des matériaux isolants pour permettre l'évacuation du monoxyde de carbone. Les travaux d'installation doivent obligatoirement être réalisés par des professionnels.»

«Malheureusement, la majorité des utilisateurs de petits outils fonctionnant avec des combustibles ignorent les risques qui sont liés à leur utilisation», ajoute Mme Reny.