Le juge est là. La greffière, le huissier, l'accusé, son avocat, le procureur de la Couronne, les policiers enquêteurs aussi. Les témoins font le pied de grue en attendant qu'on les appelle à la barre. Pourquoi, dans ce cas, la cour ne fonctionne-elle pas? Parce qu'il manque un constable spécial.

Depuis le début de l'automne, ce scénario, qui en fait fulminer plus d'un, revient de façon quasi quotidienne au palais de justice de Montréal. De précieuses et dispendieuses heures de cour sont perdues, parfois même des jours entiers, parce qu'il n'y a pas de constable spécial pour assurer la sécurité dans la salle. La juge Ruth Veillet, coordonnatrice de la région de Montréal, indique que cette situation n'est pas nouvelle. Mais depuis le début de l'automne, c'est pire que jamais. «C'est une situation récurrente depuis de nombreuses années. Les juges se plaignent du manque de sécurité dans les salles. Mais depuis l'automne, le volume d'affaires s'est accru et on manque de constables spéciaux. Cette semaine, sur les 18 salles de chambres criminelles, il y en a six qui n'ont pas pu fonctionner, et cela pendant trois jours. Ça, ça ne s'est jamais vu», se désole Mme Veillet.

Au chapitre des explications, il y aurait le fait que le Centre judiciaire Gouin, après une longue pause, s'est remis à fonctionner. Ce qui vampirise la banque de constables spéciaux du palais de justice de Montréal. D'autre part, de longs procès aux assisses se déroulent à Montréal depuis septembre. Ce type de procès nécessite plus de constables spéciaux qu'un procès devant juge seul. Dans celui de Paul Fontaine, notamment, deux constables spéciaux, un homme et une femme, sont assignés spécifiquement à la fouille des spectateurs, incluant les journalistes.

Le vice-président du syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, Daniel Daviault, trouve aberrant que des salles d'audience ferment en raison du manque de constables, mais il signale que toutes les ressources sont mises à contribution, même en temps supplémentaire. Mais ce n'est pas suffisant pour répondre à la demande. La politique du «deux pour un», c'est-à-dire une embauche pour deux départs à la retraite, n'aide pas, convient-il, mais le problème d'effectifs vient aussi du faible taux de rétention, croit-il. «Une personnes sur deux qui est embauchée va changer de carrière en cours de route. Les jeunes partent pour la détention fédérale, des corps de police ou les douanes, parce que les conditions et le salaire sont meilleurs», dit-il. Le salaire maximum d'un constable spécial plafonne à environ 46 000 $, alors qu'un policier ou un douanier gagnera 20 000 $ de plus, selon M. Daviault.

La Presse a voulu obtenir des explications auprès du ministère de la Sécurité publique, mais nos appels n'ont pas été retournés.