En même temps que trois des plus redoutables «guerriers» du clan Rizzuto se reconnaissaient coupables de possession d'armes, le ministère public additionnait les charges d'exportation de marijuana, hier, contre cinq autres mafieux et leurs associés appelés à comparaître dans une salle voisine du palais de justice de Montréal. Fait à noter, les cinq prévenus sont déjà en attente de procès dans divers dossiers de drogue reliés à la fameuse opération Colisée, en novembre 2006.

Formé de Giuseppe Torre, 37 ans, Anthony Capitanio, 32 ans, Giovanni Petrella, 38 ans, Antonio Dell'Ermo, 40 ans, et Kamel Mahmoud Aoude, 36 ans, le quintette est soupçonné d'avoir ourdi l'expédition vers les États-Unis de cinq chargements de cannabis totalisant quelque 300 livres. Les trafics se seraient déroulés entre le 26 mars 2005 et le 18 janvier 2006. Un certain Tarlochan Bajaj, 41 ans, décrit comme l'intermédiaire avec la clientèle américaine, sera amené aujourd'hui devant le tribunal.

D'après des documents judiciaires rendus publics en marge de l'enquête Colisée, Aoude achetait de la mafia les stocks de marijuana qu'il revendait à des trafiquants américains. Au fil des transactions, et sans doute des années, Aoude aurait accumulé d'importantes dettes. Un an avant d'être arrêté, il aurait confié à une proche devoir 1,5 million, «et pas à n'importe qui, à la mafia et aux Hells Angels. Je peux me faire tuer à tout moment», a-t-il dit le 22 décembre 2005, dans une conversation interceptée par la police. Pour éloigner les clameurs de ses créanciers, il aurait demandé l'aide du parrain calabrais Moreno Gallo, «le seul capable de faire baisser la pression de tout le monde».

Dangereux créanciers

Appelé lui aussi à la rescousse du ressortissant libanais, l'influent motard Charles Huneault, grand argentier des Hells Angels, avait peu auparavant conseillé aux jeunes mafieux montréalais «de ne pas faire affaire avec Aoude». Ce dernier devait alors 400 000$ aux Hells Angels, et plus de 100 000$ à ses fournisseurs italiens de marijuana, avec à leur tête Domenico Macri, un autre des protégés du clan de Francesco Arcadi, un des chefs de file de la famille Rizzuto.

C'est d'ailleurs à la veille des funérailles de Domenico Macri, assassiné à la fin août 2006, à Rivière-des-Prairies, que Giuseppe Fetta, Charles Édouard Battista et Dany Winton Martinez Canas ont été captés par une caméra de surveillance de la police dans un garage-entrepôt au coin de Saint-Laurent et Sauriol, en train de manipuler des armes à feu de gros calibre. «L'endroit servait normalement au remisage de voitures de luxe», a noté Me Yvan Poulin, de la poursuite, au moment où le trio a plaidé coupable, hier, en Cour du Québec.

Lors d'une perquisition quelques jours plus tard, les policiers ont découvert deux fusils-mitrailleurs de type AR-15, un pistolet de calibre 9 mm, une carabine à canon coupé, plein de chargeurs et de munitions, ainsi qu'un silencieux et deux vestes pare-balle. Pour ne pas nuire à l'enquête Colisée, les policiers ont attendu le 22 novembre 2006 avant d'arrêter les trois hommes. En vacances dans les Antilles, Battista s'est rendu à la GRC avec son avocat, au début de 2007.

Comme ils sont détenus préventivement depuis deux ans - ce qui compte pour quatre - Fetta, Battista et Martinez ont été libérés sans préambule dès hier. «Quatre ans, c'est au-delà des sentences habituelles pour de tels crimes», ont plaidé en défense Mes Marc Labelle et Clemente Monterosso. À la demande des deux avocats, le juge Jean-Pierre Bonin a remis en liberté sur-le-champ les trois prévenus. Étant donné qu'il est resté moins longtemps en prison que ses deux compères, Battista devra acquitter une amende de 5000$.