Des travaux mal faits, non supervisés par des professionnels, et une surcharge de neige: selon la CSST, tels sont les facteurs qui expliquent l'effondrement d'un toit de l'entreprise Gourmet du village, à Morin Heights, où sont mortes trois travailleuses en mars dernier.

Le rapport de la CSST, dévoilé hier, contient des faits troublants. Le 10 mars, soit deux jours avant le drame, des travailleurs ont fait remarquer à leur employeur qu'il y avait une fissure au plafond et que la porte de la cafétéria était difficile à ouvrir. L'employeur a communiqué avec un déneigeur, qui n'a pas eu le temps de venir faire le travail.

 

Le 12 mars, jour du drame, une autre fissure est dépistée. Le déneigeur dit qu'il va venir.

Il ne l'a pas fait. Vers 12h30, des craquements se font entendre puis c'est l'effondrement, vers 12h45.

En conférence de presse, hier, Alexandra Reny, porte-parole de la CSST, s'est gardée de blâmer officiellement Gourmet du village, disant que c'était en fait la gestion du projet de construction d'un des bâtiments, en 2003, «qui était déficiente».

La CSST a remis un constat d'infraction à Gourmet du village, dont le montant - déterminé par le juge - variera entre 5000$ et 20 000$.

Techniquement parlant, le drame trouverait son origine dans la construction d'un bâtiment d'expédition, en 2003. Un parapet a alors été ajouté, sans prendre en considération la surcharge de neige que cela occasionnerait sur le toit du bâtiment de production contigu, celui-là même qui s'est effondré le 12 mars.

À la Sûreté du Québec, l'enquête se poursuit pour déterminer si des accusations criminelles doivent être portées en parallèle.

Compassion

En entrevue téléphonique hier, Dale Kirkpatrick, qui a perdu son épouse Sharon Kirkpatrick dans la tragédie, a insisté sur le professionnalisme et la compassion de la CSST au cours de la dernière année. A-t-il dans ce rapport toutes les réponses qu'il souhaite? «En fait, j'espère qu'il y aura aussi un rapport du coroner en parallèle, parce que j'aimerais avoir l'assurance que ma femme est morte sur le coup et sans souffrance.»

Interrogé sur la possibilité qu'il intente lui-même des poursuites, M. Kirkpatrick a dit qu'il préférait ne pas commenter là-dessus.

Tout en exprimant sa sympathie pour les familles des victimes, Mike Tott, président du Gourmet du village, a fait savoir qu'il contestera devant les tribunaux les conclusions du rapport de la CSST. «La réalité est que le bâtiment qui s'est effondré a été construit par un entrepreneur général titulaire d'un permis. Cet entrepreneur était également présent sur les lieux à toutes les étapes de la construction du deuxième bâtiment construit à côté. En outre, le bâtiment adjacent a été construit sous la supervision d'une société d'ingénierie des structures qualifiée dont le principal ingénieur, membre en règle de l'Ordre des ingénieurs du Québec, a examiné les effets structurels du raccordement de ces deux bâtiments, y compris la tolérance au poids de la neige.»

Zaki Ghavitian, président de l'Ordre des ingénieurs, a offert une autre version hier, indiquant qu'aucun ingénieur n'a été chargé de la gestion «de l'ensemble du projet». «Il est très important de considérer un projet dans sa globalité, par exemple lorsque plusieurs bâtiments ou ajouts successifs sont construits dans le temps.»

Le président de l'Ordre estime qu'un tel accident prouve l'importance de corriger l'anomalie dans la Loi sur les ingénieurs, qui ne prescrit pas une surveillance obligatoire des travaux par un ingénieur.

La CSST a rappelé l'importance de bien déneiger ses toits et de procéder à une évacuation si des fissures anormales sont décelées, ce qui n'a pas été fait à Gourmet du village.

Cela étant dit, la CSST rappelle qu'il n'y a pas lieu de paniquer puisqu'en général, les édifices sont bâtis selon le Code du bâtiment, qui édicte des normes relatives aux charges de neige.

Outre les trois personnes mortes dans le drame, neuf autres travailleurs ont subi un choc post-traumatique.