Follement amoureuse de Johaness Winton, Laurie-Ann Jolin ne le croyait pas véritablement quand il parlait de tuer un revendeur de drogue au lieu de le payer. Mais le 15 mars 2004, un couple a été assassiné dans la ruelle, à deux pas de chez elle. Et Winton est revenu à la maison pâle comme un fantôme, armé, le manteau taché de sang.

«Je me suis dit: John (Johaness) a tué ces deux personnes», a raconté Mme Jolin, qui témoignait cette semaine au procès de l'homme qu'elle a failli épouser. Johaness Winton, 41 ans, est accusé des meurtres prémédités de Patrick Merlin, 25 ans, et de sa copine, Audrey-Ève Charron, 23 ans. Tous deux ont été abattus alors qu'ils se trouvaient sur la banquette avant d'une voiture, dans la ruelle qui sépare la 2e et la 3e Avenue, à Verdun. Merlin était connu comme vendeur de marijuana, mais la jeune femme, elle, aurait été éliminée simplement parce qu'elle se trouvait là, selon la thèse de la Couronne.

 

Mme Jolin a témoigné jeudi, dans ce procès devant jury qui dure maintenant depuis sept semaines. Elle a raconté qu'elle avait commencé à fréquenter Winton, un voisin de la 3e Avenue à Verdun, au printemps 2003. Il ne travaillait pas mais disait qu'il réparait des ordinateurs. À sa connaissance, il avait un seul ami: Dan Martel, surnommé Irish. Ce dernier fréquentait le milieu de la drogue et avait déjà fait de la prison. Mme Jolin affirme avoir souvent entendu Winton parler à Martel au téléphone cellulaire. «John mettait son doigt devant sa bouche pour me faire signe de ne pas faire de bruit. Il ne voulait pas que Dan sache que j'étais là.»

Quelque part au début de 2004, elle dit les avoir entendus parler d'un plan qui consistait à «prendre la drogue et à tuer plutôt que payer». Selon ce qu'elle a compris, Dan serait le cerveau et John les muscles. «Dan devait organiser la rencontre, et John ferait le reste», a précisé Mme Jolin. La personne visée s'appelait Pat, a-t-elle compris. Il était question d'une transaction de 18kg de mari pour 80 000$. Winton et Martel comptaient revendre la drogue et se séparer l'argent.

Pâle comme un fantôme

Vers 23 h le soir du 14 mars 2004, Winton est venu chez Mme Jolin. Il a bourré deux boîtes avec du papier journal qu'il avait coupé pour imiter la forme de billets de banque, dit-elle. Il avait une arme à feu et un sac de papier brun. «Il est parti vers minuit et demi en disant qu'il devait rencontrer des gens. Il est revenu 10 ou 15 minutes plus tard. Il avait des gants de cuir noir et m'a dit: je dois y retourner. Dix minutes plus tard, il est revenu par la porte arrière. Il avait un sac vert. Dedans, il y avait son manteau, les boîtes bourrées de papier, le sac brun et du sang. Il m'a dit: tu n'as rien vu, touche pas à ça, je vais le jeter demain. Il a laissé ça sur mon balcon. Il était pâle comme un fantôme, et il est parti chez lui.»

Le lendemain, en allant reconduire son fils à l'école, Mme Jolin a constaté qu'il y avait des policiers dans la ruelle. Elle a appris qu'il y avait eu un double meurtre. Dans la semaine suivante, elle a accompagné Winton quand il est allé jeter l'arme dans le fleuve. Il avait pris soin de la briser en plusieurs morceaux. «Il ne voulait pas être relié à cette arme», a-t-elle dit. Il restait des balles chez Mme Jolin. Selon son récit, Winton songeait à les percer pour en faire des colliers, mais il ne l'a pas fait. Il a reçu 36 000$ après le crime.

Dans les mois suivants, la police s'est mise à tourner autour de Winton et de Mme Jolin. Elle a paniqué. À un certain moment, elle dit avoir demandé à Winton ce qui s'était réellement passé la nuit du 15 mars.

«Il m'a dit qu'il était entré dans l'auto avec les boîtes de papier dans un sac. Il lui en a mis un (coup de feu) à lui. La fille s'est mise à crier. Il lui en a mis deux à elle.»

Mme Jolin poursuivra son témoignage lundi, en contre-interrogatoire. Le procès est présidé par le juge Jerry Zigman. Me Éliane Perreault agit pour la Couronne, et Me Alan Guttman défend l'accusé.