Parce que cela n'apparaît pas dans un rapport carcéral, l'avocate Carole Beaucage doute que Stéphane Gagné ait été battu en prison en 1994, parce qu'il ne voulait pas «piler» sur la photo de Maurice Boucher, comme il l'a toujours prétendu.

«Ben voyons maître, quand t'es en dedans tu manges ta volée pis tu fermes ta gueule. Je ne suis pas allé voir les gardiens et je ne suis pas allé à l'infirmerie», a rétorqué Gagné, hier, alors qu'il était contre-interrogé pour une troisième journée par l'avocate de Paul Fontaine. Ce dernier subit son procès sous une accusation de meurtre prémédité.Stéphane Gagné, devenu délateur après son arrestation en décembre 1997, affirme que c'est lui et Fontaine qui ont commis l'attentat qui a coûté la vie au gardien de prison Pierre Rondeau, le 8 septembre de la même année. Hier, à plusieurs reprises, Me Beaucage a voulu faire dire à Gagné qu'à l'époque, il était prêt à tout pour plaire au chef des Nomads, Maurice Boucher, afin de monter dans l'organisation des Hells. Gagné l'a admis chaque fois sans détour. «Je voulais des Air Miles», a-t-il dit.

Battu pour avoir mangé du pâté chinois

Gagné a aussi admis qu'il avait battu un détenu à la prison de Sorel, simplement parce que ce dernier avait mangé du pâté chinois. Incarcéré au même endroit, Boucher en avait mare de manger du pâté chinois plusieurs fois par semaine, et il avait fait passer ce message à Gagné: «Il y a quelqu'un qui a pissé dans le pâté chinois, il faudrait pas que le monde en mange. Je vais envoyer de la cantine.» Gagné a compris qu'il s'agissait d'une forme de contestation, et il a fait passer le mot dans sa section. Mais un détenu a osé défier cette consigne. Il a mangé du pâté chinois, et une volée de Gagné. «Quand Maurice l'a su, il riait, il était bien content», a ajouté Gagné.

Me Beaucage a alors fait valoir qu'il s'agissait d'un geste lâche, car Gagné avait attaqué l'individu pendant son sommeil. «Dans le milieu, c'est pas de la manière que tu t'y prends, c'est le résultat qui compte», a dit le témoin. Dans sa chasse aux contradictions, Me Beaucage passe souvent de longs moments sur la même question, qu'elle pose de façon plus ou moins différente. «Vous êtes très habile comme avocate. Vous prenez des bouts que j'ai dits et vous les mettez dans d'autres. Mais j'ai le droit de ne pas répondre par oui ou par non», a dit Gagné.

Le procureur de la Couronne se fâche

La manière de procéder de Me Beaucage a grandement indisposé le procureur de la Couronne, Randall Richmond, hier. «Ça fait cinq fois que le témoin raconte la même histoire. Quand il ne donne pas les réponses qu'elle veut entendre, elle recommence», s'est insurgé Me Richmond.

Le procès se poursuit aujourd'hui avec la suite du contre-interrogatoire de Gagné.