Une opération d'envergure dirigée contre un vaste réseau de fraudeurs s'est soldée par une vingtaine d'arrestations et une trentaine de perquisitions hier dans la région montréalaise. Quelque 175 policiers et 115 enquêteurs de Revenu Québec ont porté un dur coup à l'organisation, qui a encaissé des dizaines de millions de dollars à l'aide d'un stratagème de fausse facturation dans le domaine de la construction.

C'est le service d'enquête criminalité financière organisée (SECFO) de la Sûreté du Québec qui a piloté le projet, baptisé Dorade, amorcé en janvier 2007.

Un bilan des opérations a été présenté en après-midi au quartier général de la Sûreté du Québec. Un capitaine de la SECFO et un inspecteur de Revenu Québec ont expliqué la méthode des fraudeurs. En résumé, des entreprises légales de construction payaient par chèques une compagnie bidon pour de fausses factures liées à de faux services.

Les chèques étaient ensuite convertis en liquide par un centre d'encaissement dont le propriétaire était de mèche avec les fraudeurs. Ce dernier et la compagnie bidon récoltaient ensuite leur part du gâteau, avant de retourner l'argent aux entreprises de construction impliquées. Avec leurs fausses factures, celles-ci pouvaient alors justifier leurs dépenses au gouvernement, mais utilisaient en réalité l'argent caché à l'État pour payer des ouvriers au noir et acheter des matériaux.

À ce stade-ci de l'enquête, le réseau aurait ainsi permis l'encaissement de chèques totalisant 42,1 millions depuis 2004. Les huit compagnies impliquées dans la rafle d'hier auraient quant à elles mis à l'abri du fisc environ 9 millions de dollars, mais d'autres arrestations sont à prévoir et 25 entreprises, principalement liées au domaine de la construction, sont dans la ligne de mire des policiers. La SQ n'a pas voulu dévoiler hier le nom des entreprises légales impliquées dans l'affaire, pour ne pas entraver l'enquête, toujours en cours.

Les 19 personnes arrêtées hier matin ont été accusées de fraude, de fabrication et d'utilisation de faux, de complot, de vol et de gangstérisme, aux palais de justice de Joliette, Montréal et Saint-Jérôme. «Ce n'est pas une organisation liée au crime organisé, mais des gens qui se sont mis ensemble pour frauder», a nuancé le capitaine Donald Vallée de la SECFO.

Les individus arrêtés travaillaient entre autres pour la compagnie bidon RCCQ (Règlement des conflits sur la construction du Québec) et sillonnaient les chantiers de la région pour proposer leurs services frauduleux. Une des deux têtes dirigeantes, Michel Dubois, a déjà été accusé d'avoir participé aux infractions commises par 18 entreprises de la construction entre 1996 et 1999. L'histoire se répète puisque Dubois se servait de ses quatre sociétés fictives pour produire de fausses factures et les remettre aux entreprises impliquées.

L'histoire se répète aussi pour Ronald Chicoine, propriétaire du Crédit fonds Lanaudière, le centre d'encaissement responsable des transactions. En 2003, la Gendarmerie royale du Canada l'avait accusé de complot, de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale pour son rôle dans une organisation aux ramifications internationales.

Un prête-nom, des employés, quelques comptables et un notaire ont aussi été arrêtés. Ces derniers utilisaient leurs connaissances fiscales pour conseiller l'organisation. «De plus en plus de ces facilitateurs aident ces organisations à frauder le gouvernement», a déploré le capitaine Vallée.

Trois des 22 personnes visées par un mandat d'arrêt sont actuellement à l'étranger. Aucun employé des huit compagnies n'a encore été arrêté, mais des poursuites seront entreprises. Les coupables s'exposent à des amendes variant de 125 à 200% des sommes cachées au fisc ainsi qu'à des peines d'emprisonnement.

Les frappes ont été menées hier par les policiers de Repentigny, Saint-Jérôme, Saint-Eustache, Mirabel, L'Assomption, Châteauguay et Montréal, autant dans des commerces que chez les prévenus.