«Bonjour maman, j'espère que tu as du bon temps. Viens m'embrasser avant d'aller au lit. Papa s'occupe bien de moi, j'ai du plaisir. Diego s'ennuie de toi.»

Avec toute la candeur de ses sept ans et ses magnifiques cheveux longs, Bailey a candidement dit au revoir à sa mère Anee Khudaverdian, lors de funérailles chargées en émotions célébrées en son honneur en matinée à Dollard-des-Ormeaux.Pour l'occasion, plus de 200 personnes s'étaient entassées dans une petite chapelle des Jardins commémoratifs Rideau du boulevard Des Sources.

Certains ont dû assister à la cérémonie debout, faute de places.

La vie d'Anee Khudaverdian s'est interrompue abruptement jeudi soir dernier, après qu'elle eut été fauchée le jour de ses 47 ans par un récidiviste de l'alcool au volant dans la municipalité de Les Cèdres, en Montérégie. Robert Walsh a été arrêté à 19 reprises pour conduite avec les facultés affaiblies avant de finalement tuer quelqu'un.

Sa victime, clouée dans un fauteuil roulant depuis l'âge de neuf mois, faisait sa promenade quotidienne aux côtés de son chien Diego.

Malgré cette tragédie, la colère et le sentiment d'impuissance qui en découle, les proches ont plutôt profité de la cérémonie pour saluer une battante, une femme de coeur, une passionnée de la musique, des animaux mais surtout une mère en admiration devant sa fillette de sept ans.

 

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Une jeune fille dépose des fleurs sur le cercueil.

Quelques fous rires perçaient parfois l'ambiance lourde entrecoupée de sanglots pendant les discours prononcés par des membres de la famille. «Tu es libre de courir, sauter et danser dans la lumière. Cours, Anee, Cours et retourne-toi pour nous envoyer un dernier baiser. Vois-tu comme nous sommes nombreux pour te dire au revoir», a lancé Clara, la soeur cadette de la victime, avec aplomb.

Mais rare sont ceux qui sont parvenus à refouler leurs larmes, encore moins lorsque la petite Bailey a pris la parole. «Je t'ai vu aller 22 fois en chirurgie et espérer chaque fois un miracle. Ma chère grande et parfaite soeur, si protectrice et qui m'aimait pour ce que je suis, comment te dire adieu? Comment?», a ajouté Clara Khudaverdian, qui a promis à sa soeur de vanter son courage à sa fille.

Le frère de la victime, David, s'est aussi avancé au lutrin pour livrer quelques mots. Il s'est aussi adressé à la petite Bailey. «Je sais que ta mère est partie, mais au nom de la famille, je veux que tu saches qu'on va toujours t'entourer.»

La cérémonie protestante a été parsemée de chansons a capella, rythmées au violon et au piano. «J'ai entendu parler de la mort d'Anee dans les médias et même si je ne la connaissais pas, j'ai tout de suite ressenti de la compassion», a souligné le révérend William Massey.

Certains proches n'ont cependant pu ravaler leur rage et crient à l'injustice.

Pour eux, il est hors de question que la mort d'Anee Khudaverdian sombre dans l'oubli. «Le Québec doit se réveiller et imposer une sentence exemplaire (à l'accusé Roger Walsh). Ça suffit les familles qui font le travail elles-mêmes pour réclamer justice», s'est insurgé Philippe Chiha, un cousin de la victime. Il cite aussi en exemple l'accident de voiture qui a coûté la vie à une mère de quatre enfants, lundi sur la rive-sud. La vitesse et l'alcool seraient également en cause. «Il faudrait que la mort d'Anee Khudaverdian soit le déclencheur d'un réveil collectif. Il faut que la société comprenne que la justice fonctionne avec des êtres humains normaux», a laissé tomber Philippe Chiha, qui se demande comment se comporteraient les politiciens et les juges si des drames semblables affectaient leur propre famille.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Funérailles d'Anne Khudaverdian, décédée à la suite d'un accident où un chauffard ivre l'a perscutée, alors qu'elle circulait dans son fauteuil roulant sur le bord d'une route.

Anee Khudaverdian a été mise en terre dans le cimetière derrière la chapelle, pendant que les rafales de vent et le temps froid fouettaient les proches.La mère de la victime était inconsolable.De son côté, l'accusé dans cette affaire, Roger Walsh, revenait en cour ce matin à Valleyfield pour son enquête pro-format. «On a renoncé à l'enquêtesur remise en liberté en attendant d'avoir la divulgation complète de la preuve, notamment la reconstitution de la scène de crime», a fait savoir son avocat Jacques Vinet.

Walsh reviendra en cour le 14 novembre. L'homme de 56 était en probation lorsqu'il a happé mortellement Mme Khudaverdian. Il ne pouvait consommer de l'alcool.

Vendredi, il a plaidé non-coupable à des accusations de conduite avec les facultés affaiblies, de bris de probation et de délit de fuite ayant causé la mort.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

La soeur de la victime, Clara Khudaverdian, reçoit une accolade de sympathie d'une proche.