Le célèbre criminel Marcel Talon, cet expert en explosifs devenu délateur, dénonce «l'acharnement» de la Couronne contre lui.

«C'est de l'acharnement. C'est une grosse perte d'argent pour le contribuable et une perte de temps pour le système de justice», a dit à La Presse l'ex-cambrioleur, hier, à sa sortie de la salle d'audience du palais de justice de Longueuil.

L'homme, dont la vie de cambrioleur a inspiré le film Le dernier tunnel, est accusé de parjure. Son enquête préliminaire a commencé hier, devant la juge Ellen Paré de la Cour du Québec.

 

M. Talon, 65 ans, est devenu délateur en 1994 alors qu'il menait depuis 30 ans une carrière criminelle spécialisée dans les explosifs ainsi que les vols de banques et de camions blindés. À l'époque, il avait obtenu l'immunité pour ses crimes avoués, la protection de l'État pour un changement d'identité et un déménagement en échange de renseignements sur une tentative de vol d'un camion blindé de Sécur, en 1993. Il avait lui-même participé à ce vol raté.

Lorsqu'il a avoué ses crimes, il a omis de parler de deux meurtres commis en 1978 et en 1986. Il les a admis tardivement, après que les avocats des anciens complices du délateur en eurent parlé à la poursuite. La crédibilité de Talon a été mise à l'épreuve durant le procès, mais ses anciens complices ont été tout de même condamnés. M. Talon ne voulait pas que ses enfants le voient comme un assassin, racontera-t-il à plusieurs reprises, notamment dans un livre sur sa vie intitulé Et que ça saute! , paru en 1996. Puis, Le dernier tunnel est sorti en salle en 2004. Au même moment, la fille de l'une de ses victimes a porté plainte contre Talon pour le meurtre de son père. L'enquête a été rouverte et deux accusations de meurtre ont été portées contre lui.

Coup de théâtre avant le début du procès: les deux avocats de M. Talon, Mes Richard Rougeau et Bertrand Saint-Arnaud, ont réussi à faire casser les accusations. Juger M. Talon pour deux meurtres avoués dans le cadre d'une entente conclue avec l'État minerait l'intégrité du système judiciaire, a tranché la juge Sophie Bourque en mai 2006. Déçue du jugement, la Couronne a porté le jour même des accusations de parjure contre M. Talon.

Marcel Talon doit aujourd'hui se défendre d'avoir modifié une portion de son témoignage entre le procès de ses anciens complices en 1993 et son procès pour meurtre en 2006. Alors que la Couronne, représentée par Julie Beauchesne, y voit un parjure, la défense plaidera que le temps a fait son oeuvre. «Vous retrouveriez des erreurs de bonne foi et des contradictions chez n'importe quel témoin si vous le refaisiez témoigner 15 ans plus tard», a dit l'avocat de M. Talon, Me Richard Rougeau, à sa sortie de la salle d'audience.

«Moi, je m'appelle Marcel Talon, alors je n'ai pas le droit à l'erreur», a ajouté le criminel de carrière.

Me Jacques Dagenais, le procureur de la Couronne qui avait offert à M. Talon de devenir délateur à l'époque, est venu témoigner à la demande la poursuite, hier. Une ordonnance de non-publication empêche les médias d'en dévoiler davantage. Talon est cité à procès et reviendra en cour le 6 janvier.