Une femme en fauteuil roulant. Un récidiviste notoire de l'alcool au volant. Leur rencontre tragique s'est soldée par la mort d'une mère de famille, jeudi soir, près de Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie. Une histoire triste à mourir dans laquelle les proches de la victime sont partagés entre la colère et la douleur. Une histoire où tout le monde est perdant.

La femme en fauteuil roulant morte jeudi soir aux Cèdres, en Montérégie, a été tuée par un multirécidiviste de l'alcool au volant. Cette triste histoire a provoqué une onde de choc chez les proches de la victime, fauchée le jour de son anniversaire.

 

L'accusé, Roger Walsh, 56 ans, a comparu par vidéoconférence hier au poste de police de la Sûreté du Québec de Valleyfield. Les bras pendants, le crâne dégarni, il n'a pas bronché lorsque la Couronne s'est opposée à sa mise en liberté.

Des larmes coulaient sur ses joues lorsque les policiers l'ont conduit en prison, les mains menottées derrière le dos.

La vie d'Anee Khudaverdian a pris fin abruptement lorsque Walsh, ivre au volant de sa fourgonnette qu'il conduisait apparemment à une vitesse folle, l'a heurtée à mort sur le chemin du Fleuve, aux Cèdres, tout près de chez elle.

La victime, confinée à un fauteuil roulant et mère d'une fillette de 7 ans, faisait sa balade quotidienne en compagnie de son doberman, Diego.

C'était le jour de son 47e anniversaire et elle s'apprêtait à fêter avec sa famille dans sa résidence de Pointe-des-Cascades, près de la petite ville des Cèdres.

Le chauffard, un homme de Saint-Lazare, a tenté de prendre la fuite après l'accident, mais ses facultés affaiblies par l'alcool l'ont mené dans un fossé, 10km plus loin.

Il avait dépassé de deux fois et demie le taux permis d'alcool dans le sang.

Ses nombreux antécédents criminels en matière d'alcool au volant rendent cette histoire encore plus pathétique. Il était d'ailleurs en probation et ne pouvait consommer de l'alcool.

Depuis 1971, il a été accusé 19 fois de conduite avec facultés affaiblies, mais aussi de délit de fuite, de vol par effraction et de recel.

«Il faut s'attendre à ce que la Couronne impose une peine exemplaire», a reconnu son avocat, Jacques Vinet.

Walsh a plaidé non coupable à des accusations de conduite avec les facultés affaiblies et de délit de fuite ayant causé la mort ainsi que de bris de probation.

Il reviendra en cour mercredi pour l'enquête sur le cautionnement, mais son lourd passé judiciaire l'empêchera sans doute de reprendre sa liberté. Il risque la prison à perpétuité. «Le monsieur (Walsh) est très triste de ce qui s'est passé», a souligné Me Jacques Vinet.

Mais il semble trop tard pour les regrets. «Je ne peux pas comprendre comment le gouvernement laisse conduire un homme après tant d'accusations. Pour moi, il s'agit d'un meurtre prémédité», a dénoncé Ann Lemieux, une collègue de la victime, rencontrée au moment où elle déposait un ruban en forme de croix sur les lieux de la tragédie.

Les deux femmes travaillaient ensemble depuis quatre ans pour la société de télémarketing Rainmaker, à Vaudreuil. «On a eu un dîner pour sa fête hier (jeudi), au travail. C'était une personne généreuse, qui aimait beaucoup les animaux. Je m'ennuie d'elle, c'est un choc. L'ambiance était lourde ce matin, au bureau», a souligné Mme Mathieu.

Anee Khudaverdian se rendait chaque jour au travail à l'aide du transport adapté.

Quelques minutes avant le drame, Angèle Brunet lavait sa vaisselle chez elle, à Pointe-des-Cascades. Par la fenêtre de sa cuisine, elle a aperçu la Dodge Caravan de l'accusé filer à tombeau ouvert. «J'ai dit à ma fille: regarde le fou qui vient de passer», a raconté Mme Brunet, voisine immédiate de la victime depuis 10 ans.

Comme tout le monde dans le coin, elle a été bouleversée d'apprendre la mort de Mme Khudaverdian. «Elle était sociable avec tout le monde, avec son beau sourire. Je la voyais se promener tous les jours, on a perdu un gros morceau», a laissé tomber Mme Brunet. «J'espère qu'il (l'accusé) va rester en prison», a-t-elle ajouté.

Des solutions plutôt que des sanctions

«C'est clair que ça prend des sanctions, mais ça ne règle pas le problème. Ce qui est important, c'est de savoir comment empêcher les gens de commettre de tels délits», a nuancé pour sa part Hubert Sacy, directeur général de l'organisme Éduc'alcool.

Selon lui, il faut poursuivre les recherches pour comprendre ce qui se passe dans la tête des récidivistes. Les sanctions, enchaîne M. Sacy, ne les empêchent pas de reprendre le volant.

Quelques pistes de solutions existent déjà pour freiner le problème, comme obliger les conducteurs à avoir un appareil d'alcootest relié au démarreur de leur véhicule. «L'entourage des récidivistes est aussi très important, parce que le problème appartient à tout le monde», a ajouté M. Sacy.