En apprenant l'existence de la série Robinson Sucroé, en 1995, Claude Robinson a paniqué, puis s'est effondré. L'homme enjoué, dynamique, sociable et plein d'idées qu'il avait toujours été s'est mis à dépérir à tous les points de vue.

C'est ce que Claude Lavoie, beau-frère de M. Robinson (leurs conjointes sont des soeurs), a expliqué hier, alors qu'il témoignait au procès civil impliquant Cinar et plusieurs autres défendeurs. Robinson leur réclame des millions de dollars en dommages et en profits perdus.

 

C'est vers la fin de l'été 1995 que Robinson a vu une publicité télévisée annonçant la prochaine diffusion de la série Robinson Sucroé, a fait valoir M. Lavoie. M. Robinson a été soufflé, car il y reconnaissait son oeuvre, Robinson Curiosité, qu'il essayait de commercialiser depuis plusieurs années. Au bout de quelques jours, il a réussi à obtenir le générique de la série Sucroé. «Il nommait les noms et il disait: lui je le connais, lui je le connais, lui je le connais... Ils ont tous été exposés à mon oeuvre», se souvient M. Lavoie. Ce dernier a revu M. Robinson au bout de deux ou trois semaines, lors d'une fête de famille dans un restaurant. Il avait beaucoup maigri, et il a pleuré pendant toute la soirée. Tout le monde, même les serveurs, était interloqué, car M. Robinson était habituellement un boute-en-train.

La descente du créateur s'est poursuivie. «Il ne fonctionnait plus. J'ai dit: Claude, tu m'inquiètes. Meurs pas pour ça. C'est juste un bonhomme.» Ce à quoi Robinson a rétorqué: «Robinson Sucroé, c'est moi. Lui, c'est moi.»

M. Lavoie dit avoir alors réalisé l'importance que cette oeuvre avait pour Robinson, qui s'identifiait d'ailleurs au personnage. «Je savais que c'était important pour lui, mais je ne savais pas que ça allait le chercher jusque dans le fin fond de ses tripes.» M. Lavoie a expliqué que Robinson adorait les enfants, mais n'avait pas voulu en avoir, de peur de leur transmettre des maladies héréditaires qui affectent certains membres de sa famille. Il voyait en quelque sorte la série comme un legs qu'il pourrait faire à tous les enfants.

Selon M. Lavoie, Claude Robinson n'est jamais revenu comme avant, mais il a repris goût à la vie avec les procédures judiciaires, même si celles-ci le laissaient parfois épuisé. «Claude est très juste et il vit une injustice depuis 13 ans. Il recevait souvent des procédures le 22 ou le 23 décembre», a dit le témoin. Il compare sa réaction à une «grosse peine d'amour». Peu avant le procès, M. Lavoie a constaté que le niveau de stress de Robinson a monté. «Il m'a dit qu'il avait la chienne. Il livre le combat de sa vie.»

Un peu plus tôt, Bertrand Gagnon, policier de la GRC maintenant à la retraite, a témoigné sur l'enquête qu'il avait menée entre 1999 et 2002, sur les allégations de plagiat de la série. Robinson lui a ouvert ses archives et lui fournissait énormément de détails et d'informations. Robinson ne l'a jamais induit en erreur, et ne lui a jamais transmis de fausses informations.

Enfin, au terme de la séance, le juge Claude Auclair a ordonné à l'avocate de la GRC de chercher les coordonnées d'un témoin important que Robinson veut assigner, et qui demeure introuvable. Le procès reprendra lundi.