1. Jouer au basket avec les jeunes, ça n'est pas le rôle de la police

Quand on lui dit ça, Fady Dagher éclate de rire. «Les gens qui pensent qu'un match de basket entre des policiers et des jeunes n'est qu'un simple match, disons que leur vision est assez limitée.» Le commandant du poste 30, d'origine libanaise, est un joueur de soccer émérite. Pendant toute la durée de sa carrière de policier, il a utilisé le sport pour entrer en contact avec les jeunes.

À Saint-Laurent, il traînait ses chaussures de soccer dans sa voiture et allait jouer le midi avec les jeunes, vêtu de son uniforme. «Au début, ils m'insultaient. Mais quand j'ai commencé à contrôler le ballon, la seule chose qu'ils se demandaient, c'est: comment on va faire pour l'arrêter? Je suis convaincu que ça a changé leur vision des policiers.» Son travail à lui aussi a été transformé. «Quand j'allais sur des appels, ce n'était plus un policier anonyme. C'était Fady.»

 

Wildano Félix, entraîneur du club sportif Les Monarques dans Saint-Michel, est parfaitement d'accord. «Un match de basket, c'est une première approche. Le lendemain, le jeune va dire hé! C'est avec lui que j'ai joué hier! Je le connais!» Grâce aux activités auxquelles ils prennent part, les policiers ne sont plus nécessairement perçus comme des ennemis. «Les policiers qui entrent dans mon gymnase, tout le monde les connaît par leur nom.»

2. Un policier ne peut pas être sympa un jour et t'arrêter le lendemain

Il y a quelques années, à la suite d'une fusillade survenue dans le quartier, Charles Dubois avait quatre arrestations à faire. Il connaissait bien les prévenus. Il a appelé l'un d'entre eux sur son cellulaire, l'a sommé de venir le voir. «Je veux les trois autres en bas, ici, dans 15 minutes», lui a-t-il dit. Le gars est reparti. «En dedans d'une demi-heure, j'avais les quatre gars devant moi.»

Les policiers et la représentante de La Presse se trouvent maintenant sur un terrain de basket du quartier. Parmi les sept gars qui jouent avec le ballon, il y a quelques membres du «noyau dur» des Bleus. «Nous avons déjà arrêté quatre d'entre eux», précise Charles Dubois. Les policiers conversent avec plusieurs gars. Puis s'en vont en les saluant. «Charles Dubois, c'est le seul gars qui peut aller voir des membres durs de gangs, s'asseoir avec eux et parler», souligne Harry Delva, de la Maison d'Haïti.

Et pourtant, tous les cinq ou six mois, les policiers du quartier procèdent à une grosse descente. Saisie d'armes, de drogue, arrestations. Le «gang de la 47e Rue» a été démantelé en 2006 par les mêmes policiers qui prônent l'approche communautaire. Le samedi suivant la descente, raconte Evens Guercy, il y avait un spectacle de hip-hop au parc voisin. Les frères, les soeurs des gars qui avaient été arrêtés étaient là. «En freestyle, le chanteur en avant aurait pu nous démolir. Il n'y a pas eu un mot contre la police.»