Plus de 60 organisations et agences d'un peu partout au pays réclament la non-application et la révocation de la nouvelle loi sur la prostitution, qui entrait en vigueur samedi.

La Société canadienne du sida et un centre d'aide aux femmes des Premières nations sont parmi les groupes qui veulent une révocation de la loi et une pleine décriminalisation du travail du sexe au Canada.

Les modifications majeures à l'encadrement de la prostitution découlent d'une décision de la Cour suprême prise l'an dernier, selon laquelle les anciennes lois vont à l'encontre des droits des prostituées.

Les groupes veulent la légalisation de l'industrie du sexe, ainsi que des droits liés aux normes du travail pour ceux et celles oeuvrant dans ce milieu.

Akio Maroon de Maggie's, un organisme défendant les travailleuses du sexe de Toronto, décrit l'arrivée de la nouvelle loi comme une triste journée pour les droits humains au Canada.

Le projet de loi criminalise l'achat de sexe ainsi que d'autres choses comme la publicité ou d'autres formes de communication liées à la vente du sexe, mais il y a certaines protections légales pour les travailleuses du sexe elles-mêmes.

Le gouvernement dit que la loi donne aux prostituées la capacité d'avoir des conditions de travail plus sécuritaires.

Les critiques en doutent, invoquant le fait que la plupart des éléments de l'industrie du sexe deviennent illégaux.

Dans un communiqué, les groupes disent que la nouvelle loi considère toutes les travailleuses du sexe comme des victimes de violence, plutôt que de voir que ce sont la criminalisation, l'isolation et le déni des droits et libertés qui engendrent de la violence et de l'exploitation envers celles-ci.

Un hebdomadaire compte défier la nouvelle loi

Une interdiction de publiciser des services sexuels entre en vigueur samedi, en lien avec la nouvelle loi fédérale sur la prostitution, mais au moins un hebdo de renom compte défier l'interdit.

L'interdiction fait partie des modifications majeures à l'encadrement de la prostitution découlant d'une décision de la Cour suprême, prise l'an dernier, selon laquelle les anciennes lois vont à l'encontre des droits des prostituées.

L'hebdomadaire indépendant Now, un tabloïd de Toronto, inclut depuis longtemps des annonces de services sexuels, dans ses dernières pages, et la direction ne compte pas y mettre fin, a dit Alice Klein, rédactrice en chef et directrice générale de l'hebdo alternatif.

Mme Klein dit que sa publication fait place aux annonceurs, car ils apportent un soutien financier, et que la direction a toujours refusé d'être discriminatoire envers le travail du sexe ou les travailleuses du sexe.

Mme Klein ajoute que son hebdo encourage la libre expression et ne croit pas être en droit de décider qui peut y placer de la publicité ou pas.

Avec la nouvelle loi, le gouvernement fédéral dit vouloir donner aux prostituées la capacité d'avoir des conditions de travail plus sécuritaires.

Ottawa a présenté le projet de loi C-36, qui criminalise l'achat de sexe, mais non sa vente. Dans le cadre de cette loi, le gouvernement veut aussi contrer tous ceux qui font des profits avec la vente du sexe.

L'opposition à l'interdiction n'est tout de même pas généralisée.

«Nous appuyons cette section du projet de loi à cause du rôle de la publicité pour normaliser et enraciner des stéréotypes racistes et sexistes», a dit Suzanne Jay, du groupe Asian Women Coalition Ending Prostitution, établi en Colombie-Britannique.

Mme Jay a fait partie de la centaine d'intervenants qui ont témoigné à la Chambre des communes et au Sénat, au cours des études sur le projet.

Les témoignages ont montré les divergences entre ceux qui voient les prostituées comme des victimes et ceux qui considèrent ce travail comme un choix. Bien que le gouvernement voie la prostitution comme un crime envers les femmes, qui doit être enrayé, les décideurs semblent avoir été sensibilisés à la distinction.

Le gouvernement prévoit investir 20 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, une mesure qu'on devait souligner le jour de l'entrée en vigueur du projet de loi.

Mais quand le gouvernement a réalisé que ce jour serait le 6 décembre, la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, il a choisi d'annoncer le financement quelques jours plus tôt, en catimini.

Certaines ont toutefois trouvé fort approprié que le projet de loi entre en vigueur samedi.

«Je pense que c'est formidable que ça entre en vigueur le 6 décembre, a confié Megan Walker, directrice exécutive du London Abused Women's Centre, qui vient en aide à diverses femmes, incluant des prostituées. Nous croyons que la prostitution est de la violence infligée aux femmes par les hommes, alors nous sommes heureuses de voir que ce geste a été posé.»