À quel moment une poignée de main signifie-t-elle plus qu'une poignée de main? Dès qu'elle implique l'imprévisible président américain Donald Trump, qui a transformé cette convention sociale en événement scruté dans les moindres détails.

Quelques salutations étranges de M. Trump, dont celle plutôt terne qu'il a offerte au premier ministre Justin Trudeau, ont fait l'objet de discussions entre des experts et des amateurs de politique qui ont tenté de décrypter la portée et la signification de chaque geste ou expression de Donald Trump.

Une experte de l'étiquette, Leanne Pepper, reconnaît avoir été frappée par les poignées de main agressives du président américain, qui a tendance à attirer brusquement la personne vers lui et à tenir longuement la main de son vis-à-vis.

Elle se réjouit de l'attention que le sujet semble avoir auprès du public et espère que cela amènera un retour de la bienséance dans la société.

«Les gens se réveillent quant à l'importance du savoir-vivre parce que c'est l'une de ces choses qui ne sont plus enseignées de nos jours - à la maison, dans l'éducation et à l'école», a analysé Mme Pepper, consultante en matière en protocole et conseillère en image de Toronto.

«Une poignée de main est le premier contact qu'on a avec une autre personne et les gens vous jugent en fonction de cette poignée de main - si c'est une poignée de main mouillée, molle ou si c'en est une qui écrase les os. On doit être quelque peu ferme, mais pas en écrasant les os», a-t-elle illustré.

Donald Trump a la réputation d'avoir un style de poignée de main agressif, ce qui a été interprété par certains comme un jeu de pouvoir visant à déstabiliser la personne devant lui. Cela semblait évident lors de ses poignées de main avec son vice-président Mike Pence, son candidat à la Cour suprême Neil Gorsuch et le premier ministre japonais Shinzo Abe.

Le premier ministre canadien, de son côté, a manifestement préparé son premier contact avec Donald Trump, selon l'expert en langage corporel Mark Bowden, qui estime que M. Trudeau a tenu son bout.

Une forte poignée de main peut être chargée de sous-entendus et de signaux subtils, surtout quand les caméras sont présentes, a exposé le consultant en stratégie et en image qui compte l'ex-premier ministre Stephen Harper parmi ses anciens clients.

La lutte de pouvoir entre les dirigeants commence par le côté auquel chacun se trouve, selon M. Bowden.

«Quiconque est du côté gauche de la poignée de main a le bras le plus grand et le plus fort, il apparaît plus grand et plus fort. Alors on doit savoir que lorsqu'on arrive à droite pour une poignée de main, il faut contrebalancer pour que votre bras ait l'air plus grand et plus fort», a ajouté M. Bowden, qui est président de la firme de consultants Truth Plane.

«Le contre-balancement, c'est qu'on tient son bras droit pour que sur la photo qui est prise, on ait l'air d'avoir le bras le plus grand, celui qui a l'air le plus grand», a-t-il ajouté.

Une poignée de main «normale» devrait être accueillante et brève, selon Mme Pepper, soulignant que l'objectif est d'abord d'accueillir la personne.

«C'est de haut en bas, quelque peu ferme, sans écraser les os, et on est environ à distance de bras. Et deux ou trois mouvements vers le bas sont pratiquement tout ce que vous avez besoin de faire», a-t-elle décrit.

Une photo qui a fait le tour des réseaux sociaux, lundi, montre M. Trump tendant la main à M. Trudeau, qui semble se moquer de son interlocuteur.

L'experte en image Sylvie Di Giusto estime qu'il ne faut pas chercher un sens dans cette image puisqu'il s'agit d'un moment trop bref dont on ignore le contexte.

Mais une autre experte, Pat Stonehouse, croit que la photo peut avoir capté une «micro-expression» du premier ministre canadien - une expression faciale involontaire qui traduit un réel sentiment.

Mis à part le petit sourire qu'il esquisse, s'il faisait confiance à M. Trump, il aurait regardé son visage au lieu de fixer sa main, selon elle.

«M. Trudeau pensait à quelque chose, parce que ses yeux s'étaient élargis et qu'il fixait par terre, et il y avait aussi sa lèvre... Sa lèvre s'est soudainement serrée», a-t-elle analysé.

Finalement, MM. Trudeau et Trump ont eu une poignée de main relativement magnanime - le président a laissé plus de place à son vis-à-vis.