En distribuant des badges dans le métro londonien pour encourager les gens à se parler, l'Américain Jonathan Dunne ne pensait pas mettre le feu aux réseaux sociaux où il est accusé de vouloir rompre avec une des règles tacites du «tube».

Comme dans nombre de grandes métropoles, il est de tradition à Londres d'éviter toute conversation avec son voisin dans le métro, y compris lorsqu'aux heures de pointe, le contact physique est inévitable. Une convention non écrite qui a souvent pour but d'éviter les enquiquineurs.

Certes, on peut échanger un sourire en coin quand le «tube» s'immobilise une éternité dans un tunnel ou face à certains comportements étranges de voyageurs. Mais il y a deux règles d'or dans les transports en commun de la capitale britannique: éviter d'adresser la parole à un inconnu et garder sa droite dans les escaliers mécaniques.

Alors quand Jonathan Dunne, 42 ans, a commencé mercredi à distribuer des badges portant l'invitation «Tube chat?» («Discussion de métro?»), les réactions ont été virulentes.

«Certains irresponsables essaient de saper la structure de notre société en encourageant les discussions dans le métro», écrit un indigné sur Twitter.

«C'est un affront à tout ce que j'aime à Londres. Par Dieu, il faut résister», s'emporte le comédien Matt Thomas tandis que le journaliste de la BBC Jeremy Vine écrit: «Si quelqu'un m'approche avec ça, je sors par la fenêtre».

«Retour de flamme contre le retour de flamme»

D'autres ont parodié le badge de Dunne avec des «Tube fight? («Bagarre de métro?») ou «Parlez moi de l'article 50», en référence à l'article du Traité de Lisbonne qui doit déclencher la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, un sujet particulièrement polémique dans le pays.

Le qualifiant de naïf Américain, certaines réactions soulignent que penser que les gens pourraient avoir un intérêt quelconque dans une discussion dans le métro est complètement contraire à l'esprit britannique. Et estiment qu'il aurait dû tout simplement arborer un badge avec la mention «Je suis un farfelu».

Pour Jonathan Dunne, «les vrais farfelus sont ceux qui sur les réseaux sociaux ont produit en quelques heures des vidéos appelant à me casser la figure».

«Je prends la Piccadilly Line - 20 minutes de silence total. C'est vraiment étrange», raconte à l'AFP cet employé du service public de santé britannique, NHS.

«J'ai donc pensé que ce serait sympa de rompre les barrières dressées par les gens dans les transports, je ne pensais pas déclencher une telle polémique».

Il explique qu'il vit à Londres depuis 20 ans et que le silence des gens dans le métro ne reflète pas la vie en surface.

«Là où je vis, il y a plein de Turcs, d'Italiens, d'Espagnols - de tout. C'est très amical. Puis vous entrez dans le métro, et c'est d'un triste».

Mais son initiative n'a pas que des ennemis, se réjouit-il, affirmant avoir reçu des dizaines de milliers de demandes pour un badge et avoir entendu parler de copies en circulation.

«On assiste à un retour de flamme contre le retour de flamme, dit-il. Cela a provoqué une discussion et c'est ce que je souhaitais».