Les désormais traditionnels iPhones, DVD et autres sacs Louis Vuitton de contrefaçon sont dépassés. Un négociant en riz chinois vient d'inventer la fausse banque américaine, portant l'art du faux à un nouveau sommet dans une Chine pourtant devenue experte en la matière.

Lin Chunping s'est fait connaître dans les médias chinois au début de l'année en annonçant le rachat pour 60 millions $ US de l'Atlantic Bank, basée au Delaware. Sa ville lui avait attribué un poste politique de prestige et la presse avait qualifié son expérience en affaires de «légendaire».

Mais il n'existe pas d'Atlantic Bank au Delaware et Lin Chunping, 41 ans, a admis quelques «exagérations» pour embellir son statut social... Arrêté pour une autre escroquerie début juin, il a dû abandonner son poste municipal à la Conférence politique consultative du peuple chinois, principal organe consultatif du gouvernement communiste. Il n'a pas pu être joint par l'Associated Press.

Cette histoire illustre l'évolution de la contrefaçon en Chine, où les autorités ont fermé cinq faux magasins Apple dans la ville de Kunming l'an dernier. Les boutiques reproduisaient dans le moindre détail celles des États-Unis, des escaliers aux t-shirts bleus du personnel.

Début juin, la presse de la province du Shandong a révélé l'existence d'une vraie-fausse université.

Les étudiants ayant échoué à l'examen national d'entrée en faculté recevaient de fausses lettres d'admission de l'Institut de l'industrie légère du Shandong, qui existe réellement, où ils poursuivaient leurs études pendant quatre ans pour près de 30 000 yuans (environ 4800 $ CAN).

Mais à quelques semaines de la fin d'année, les étudiants apprenaient qu'ils n'obtiendraient pas leur diplôme car ils avaient en fait souscrit à une formation privée louant un espace dans l'institut, selon le journal d'État Jinan Times. L'organisateur s'est évidemment volatilisé dans la nature.

Le cas est particulier mais la falsification du diplôme ou du curriculum vitae est chose fréquente chez les étudiants chinois. Zinch China, branche chinoise du site internet éducatif Zinch.com, basé aux États-Unis, estime d'après ses entretiens avec des étudiants, parents et agents chinois que 90% des lettres de recommandation adressées aux établissements américains sont des faux, 70% des essais écrits par quelqu'un d'autre, et la moitié des livrets scolaires maquillés.

Pour les experts, la fréquence des falsifications possède de nombreuses origines, de l'hyper-compétitivité d'une société surpeuplée à l'adage qui veut que la fin justifie les moyens.

L'habileté de Lin Chunping a consisté à pimenter son histoire de détails accrocheurs: il a prétendu avoir négocié pendant deux ans le rachat de l'Atlantic Bank, mise en faillite en 2008 par la crise financière, et que l'établissement fondé 85 ans plus tôt était tenu par des juifs, misant sur le préjugé répandu en Chine selon lequel ils excellent dans les affaires.

En outre, la Chine tire un orgueil particulier des acquisitions à l'étranger. Le rachat de l'Atlantic Bank symbolisait à la fois l'essor économique de la Chine et le déclin de l'Amérique. La prétendue réussite de l'escroc rejaillissait aussi sur sa ville, Wenzhou, où le resserrement du crédit public a mené des entrepreneurs à la ruine, au départ, voire au suicide pour quelques-uns.

Le site internet du People's Daily, le journal du Parti communiste au pouvoir, décrit Lin comme un homme avisé et dur à la tâche, qui avait commencé en vendant des boutons à l'adolescence avant de racheter une mine de cuivre et d'or au Ghana et d'investir dans le riz en Chine.

Toute cette publicité a fini par perdre Lin Chunping. Alléchés par cette belle histoire, les journalistes économiques chinois ont mené leur enquête et mis au jour l'escroquerie en mars.

Et s'il n'a apparemment pas gagné d'argent avec cette fraude, l'homme d'affaires a aussi attiré l'attention des autorités chargées de la répression des fraudes économiques. Selon le site internet de la police de Wenzhou, Lin Chunping est soupçonné d'avoir mis au point un système d'évasion fiscale en falsifiant des factures de plusieurs de ses sociétés portant sur des centaines de millions de yuans (des dizaines de millions de dollars).