La ville qui ne dort jamais? Prière de ne pas en parler aux New-Yorkais, contraints de veiller pour traquer des punaises de lit qui ont pris d'assaut les bâtiments de la ville, allant jusqu'à s'immiscer au milieu des petites tenues d'une célèbre boutique de lingerie...

Mais où s'arrêtera l'invasion? Appartements, bureaux, boutiques: plus rien ne semble stopper les minuscules suceurs de sang.

Face au danger, les autorités ont promis des moyens (un demi-million de dollars) et des menaces: «Nous voulons envoyer un message aux punaises», a lancé la présidente du Conseil municipal, Christine Quinn. «Prenez garde! Vos jours sont comptés».

Mais le message a du mal à convaincre tous les New-Yorkais. Les punaises de lit «commencent à se répandre un peu partout (...) la situation dans les bureaux est dramatique», observe un expert du site www.bedbugcentral.com (punaise se dit «bedbug» en anglais, ndlr).

Les chiffres donnent le vertige: 31 719 plaintes liées aux punaises ont été formulées au cours des douze derniers mois aux services d'urgence de la ville, soit 26 000 de plus que l'an passé.

D'habitude, la discrétion est de mise face à ce problème qui peut conduire à la révocation d'un bail ou des factures salées en cas de recours à des exterminateurs.

Mais l'invasion a pris une dimension peu commune, et plusieurs boutiques branchées, comme «Hollister» et «Abercrombie and Fitch», ont même dû fermer temporairement.

Pis: les punaises ont même eu le culot d'envahir un haut lieu de la lingerie américaine: une boutique Victoria's Secret. Même cause, même effet: la boutique a fermé le temps d'éradiquer les fautives.

Mais le mal est fait et le magasin en a pris pour son grade.

«C'est dégoûtant», se lamentait Adriana Baglenao, une cliente de 42 ans. «Je n'ai acheté que des pyjamas, mais il est clair que je vais les mettre à laver sur le champ».

À peine plus grandes qu'un grain de riz, les punaises de lit sont des insectes coriaces qui vivent en moyenne 10 mois. Portées disparues ou presque après la Seconde Guerre mondiale, elles ont profité de l'interdiction d'insecticides jugés toxiques, comme le DDT, et du boom des voyages internationaux pour signer leur retour.

La menace plane désormais sur New York où découvrir qu'un bâtiment est infesté semble presque aussi grave que de recevoir un mauvais diagnostic médical...

«Oh mon Dieu, ne me dites pas que j'ai des punaises...», s'est émue Robin, une femme vivant à Manhattan, en apprenant que son immeuble figurait sur le site www.bedbugregistry.com, qui répertorie les sites touchés à travers tout le pays.

Les punaises de lit ne sont guère dangereuses, mais leur morsure est désagréable et entretient leur piètre réputation: elles mordent quand leurs proies dorment, comme des vampires.

«C'est psychologique (...) Ca rend les gens complètement dingos», estime Jeremy Ecker, de «The Bedbug Inspectors», une entreprise qui propose de traquer les punaises grâce à des chiens renifleurs.

«C'est comme les chiens renifleurs qui recherchent de la drogue, des bombes ou des cadavres», explique-t-il. Ils «sont entraînés à ne chercher qu'une seule odeur et à ne détecter que les punaises».

M. Ecker tarife 350 dollars (plus taxes) ses services. Si cela semble élevé, il faut songer au sacrifice qu'il réalise: l'entraînenemnt des chiens implique d'avoir des punaises de lit sous la main, et M. Ecker n'hésite d'ailleurs pas à les nourrir en plongeant son... avant-bras dans un nid.

Punaises ou pas, ici c'est New York après tout, relativise Deirdre Brady, une avocate de 32 ans: «Quand vous vivez à New York, il faut être capable d'accepter les bons et les mauvais côtés».