Elles étaient condamnées par les téléphones portables mais pour sauver leurs cabines téléphoniques rouges, véritables icônes, des villages anglais les adoptent et leur donnent une seconde vie sous forme de kiosque à poèmes, de galerie d'art ou même de bibliothèque.

Un petit bouquet de jacinthes, une pile de magazines de jardinage et de cuisine, des poèmes collés sur les murs... mais plus de téléphone: «Cette cabine n'est plus la propriété de (l'opérateur britannique) BT, l'appareil a été retiré et elle appartient dorénavant aux autorités locales», prévient une affiche sur la porte d'entrée.

Waterperry, un village de 120 habitants situé près d'Oxford, est en effet le nouveau parent adoptif de sa cabine téléphonique, située entre une ferme vendant du «fumier organique» et l'ancien manoir de l'aristocrate local. BT, l'ex-British Telecommunications, voulait la démanteler mais le bourg ne l'entendait pas ainsi.

«Je l'aurais fait», répond avec détermination Kendall Turner quand on lui demande si réellement elle voulait s'enchaîner à la cabine. «Cela aurait bouleversé le village», explique cette vénérable Lady qui n'a rien d'une révolutionnaire.

Face à «la forte émotion» qui s'emparait de la communauté, Tricia Hallam, alors conseillère locale, fait adopter en 2009 la cabine pour en faire un «kiosque à poèmes». «On ne pouvait pas la laisser partir. Elle fait partie de notre patrimoine, c'est une icône britannique».

Le taxi, la boîte aux lettres, l'autobus à impériale et... la cabine téléphonique: la «phone box» est indissociable de l'Angleterre. Les touristes se font photographier par millions tandis qu'ils tentent de garder leur sourire, en tirant péniblement sur la lourde porte de teck vitrée. Et les Anglais se les arrachent sur le Net, où elles coûtent jusqu'à 3.500 livres (3.900 euros), pour en faire une douche ou un bar.

Le «kiosk», comme on le surnomme en anglais, est traditionnellement peint de «Post Office Red», le même rouge sang utilisé pour les boîtes aux lettres. Le pays en comptait 17.000 en 2002. Mais aujourd'hui, 58% des cabines ne sont plus rentables. «Chacune coûte 800 livres par an à entretenir», explique à l'AFP John Lumb, directeur général de BT Payphones.

Il y a deux ans, BT écrit donc aux autorités locales pour étudier leur démantèlement. «On a reçu une centaine de lettres de conseils locaux voulant garder leur cabine», se souvient-il.

BT conçoit le programme «Adopt a Kiosk» («Adopter une cabine») qui offre aux collectivités la possibilité de devenir propriétaires d'une «red box», moyennant une livre symbolique. Depuis son lancement, en août 2008, 1.118 cabines ont été adoptées, pour environ 4.000 démantelées.

L'opérateur est allé jusqu'à organiser un concours du meilleur «parent adoptif». Le premier prix est allé au village de Great Shelford, près de Cambridge (est). Dressée fièrement dans une zone classée, entre un cimetière aux stèles recouvertes de mousse et des chaumières aux façades s'affaissant sous le poids des siècles, la «red box» ne pouvait pas disparaître, là non plus.

«En Angleterre, on aime vivre dans une sorte de monde vieillot», explique Eileen Beenee, conseillère locale, qui a eu l'idée de faire habiter la cabine par un mannequin confectionné par les élèves de l'école primaire. Différent chaque mois, il représente une divinité ou un personnage de l'histoire anglaise.

A Westbury-sub-Mendip, dans le Somerset (sud-ouest), l'ancienne «phone box» est devenue une bibliothèque, «la plus petite au monde», disent fièrement ses 800 habitants. «Les villageois y laissent des livres, gratuitement. Et c'est ouvert 24h/24. C'est même illuminé la nuit pour les insomniaques», explique Bob Dolby, conseiller local.