Elle est la plus proche voisine du président américain Barack Obama et celle qui a mené sans discontinuer le plus long combat politique aux États-Unis: depuis 28 ans, Concepcion Picciotto proteste devant la Maison-Blanche contre les armes nucléaires et la guerre.

Chaque matin, elle retire le plastique qui protège son étal de militante pacifiste sur Lafayette Park et fixe la Maison-Blanche de l'autre côté de la rue. Elle avoue avoir peu d'espoir de voir le nouveau président changer quelque chose aux combats qui ont dominé sa vie: la fin des guerres et l'interdiction des armes atomiques.

«Non, ils sont tous pareils,» déplore-t-elle, en parlant de tous les présidents américains qu'elle a littéralement vu aller et venir depuis 1981, quand, avec son compagnon de lutte William «Doubting» Thomas, elle a commencé sa veille pacifiste de 24 heures sur 24 devant la Maison-Blanche.

«Depuis le début je dis qu'Obama, cela ne va pas marcher, parce qu'il est là-dedans», dit-elle à l'AFP, lors d'une nuit glaciale de la mi-mars, en pointant du doigt la résidence présidentielle, au 1600 Pennsylvania Avenue.

Selon elle, Obama et tous les autres présidents face auxquels elle a manifesté --Ronald Reagan, George Bush, Bill Clinton et George W. Bush-- «ne supportent pas la paix».

«Cela s'oppose à tout ce qu'ils font: invasions, occupations, guerres».

Certains Américains taxent cette militante née en Espagne, qui refuse de dire son âge mais aurait 64 ans, de petite vieille qui a trouvé un os à ronger.

Pour de nombreux touristes, elle est un personnage haut en couleurs qui peint des messages pacifistes sur des cailloux, leur souhaite de bonnes vacances en plusieurs langues... et jouit nuit et jour de la plus belle vue de Washington.

D'autres la prennent plus au sérieux: pour la militante pacifiste Jamilla El-Shafei, Concepcion Picciotto n'est rien moins qu'un «symbole vivant de résistance».

«Elle est un exemple incroyable de démocratie populaire et elle comprend que le pouvoir appartient au peuple,» s'enthousiasme Jamilla El-Shafei, qui a protesté au côté de Mme Picciotto contre la guerre en Irak.

Pour Colman McCarthy, qui dirige le Center for Teaching Peace, elle vise «la folie militariste américaine» et «elle a toute sa tête». «C'est le reste d'entre nous, qui pensons pouvoir vivre avec des armes atomiques qui sommes fous».

Ses grandes pancartes proclamant «Vivez avec la bombe, mourez par la bombe,» «Interdisez toutes les armes nucléaires ou ayez un bon Jugement dernier» ont des relents de début des années 80.

La vie de la militante, à laquelle il manque aujourd'hui quelques dents, n'a pas été toujours rose: «le gouvernement nous en a fait baver», murmure-t-elle en se frottant les mains pour se réchauffer, évoquant ses dizaines d'arrestations, les coups, les multiples amendes pour «camping illégal».

Et juste après l'investiture d'Obama le 20 janvier, son compagnon de lutte William Thomas est mort, à l'âge de 61 ans. «C'était horrible. Horrible. En un sens, ils ont tué Thomas,» dit-elle en parlant du harcèlement policier continuel.

Les défenseurs de causes diverses et variées manifestent souvent sur Lafayette Park, près du stand de Concepcion Picciotto. Mais, quand la nuit tombe, elle se retrouve seule.

Mais elle promet d'être là encore longtemps et d'écrire un livre sur sa vie hors du commun.