La médiation entre le maire de Laval Marc Demers et les élus qui lui ont tourné le dos ne donne pas les résultats escomptés et force les dissidents à reprendre leur indépendance financière. Au même moment, le maire est condamné pour diffamation et sa démission est réclamée.

Les 10 conseillers municipaux dissidents à Laval retirent des mains de l'équipe du maire Marc Demers le contrôle de l'argent destiné à leur travail d'élu, soit près de 200 000 $ d'ici décembre prochain, a appris La Presse.

Lundi, ils ont solidairement fait parvenir une lettre officielle à la Ville de Laval pour exiger de gérer eux-mêmes les sommes disponibles en vertu de la Loi sur le traitement des élus municipaux.

Les dépenses de recherche et de soutien des élus sont remboursées à même le budget de fonctionnement des villes de 20 000 habitants et plus. À Laval, cela correspond à un peu moins de 38 000 $ par année par conseiller municipal. Selon les dépenses déjà effectuées, il pourrait rester environ la moitié de la somme. Le groupe de dissidents a demandé à obtenir l'état de la situation.

« Ils retirent leurs billes. C'est en analyse pour faire la reddition de comptes, mais ça va se faire sans problème. » - Valérie Sauvé, attachée de presse du maire Demers

Jusqu'à maintenant, les 19 conseillers élus sous la bannière du Mouvement lavallois en novembre dernier avaient mis en commun les sommes disponibles. C'est ce qui avait permis de créer un bureau des conseillers municipaux du parti qui compte cinq employés faisant pour eux du travail de recherche, de communication, de promotion, selon la vision de l'administration Demers.

Mais cette unanimité ne tient plus depuis juin dernier alors que 10 élus se sont levés pour s'opposer à leur chef. Ils lui ont d'ailleurs fait parvenir une déclaration sous serment qui relèverait une entrave grave de M. Demers à la démocratie au sein du Mouvement lavallois. Marc Demers avait alors offert de régler le dossier « en famille » à l'aide d'un médiateur.

À DEUX ÉLUS D'UNE MAJORITÉ

La volonté des conseillers de contrôler dorénavant les sommes auxquelles ils ont droit est l'illustration que la crise politique s'envenime, confirme David De Cotis, l'un des meneurs du groupe de dissidents, ou d'« insoumis », comme plusieurs préfèrent être désignés.

« Ça ne va pas bien. On a essayé de régler la situation en présence du médiateur, mais on ne voit pas de véritable avancement. [...] Nous avons l'impression que le but ultime de M. Demers, c'est de convaincre seulement deux personnes de revenir dans le caucus pour reprendre le contrôle du conseil municipal [où il est minoritaire]. On le voit à la façon dont le médiateur agit comme négociateur pour Marc Demers », soutient M. De Cotis.

La présence imposée du chef de cabinet de M. Demers, François Leblanc - Gilbert Gardner, qui occupait ce poste depuis 2013, vient de prendre sa retraite -, lors d'une rencontre prévue avec le médiateur a conduit à une impasse. De plus, M. Demers n'a toujours pas répondu aux deux conditions posées par les dissidents et dont la teneur n'est pas connue publiquement.

« Marc Demers est la seule personne qui peut ramener la situation à la normale. [...] Maintenant, on vient de lui envoyer un message fort avec la lettre », affirme M. De Cotis.

Ce dernier n'a pas précisé ce que ses collègues et lui comptaient faire des fonds disponibles. Il assure toutefois que le groupe demeure uni et se prépare pour l'assemblée du prochain conseil municipal, le 7 août.

LA DÉMISSION DU MAIRE RÉCLAMÉE

L'opposition officielle réclame que Marc Demers quitte ses fonctions à la suite de sa condamnation mercredi par la Cour du Québec pour diffamation contre l'ancien conseiller municipal Pierre Anthian. Le chef de Parti Laval, Michel Trottier, estime que cette démission est nécessaire pour rétablir « l'honneur et la réputation de Laval ». « Nous ne pouvons plus tolérer que le maire de Laval contribue à médiatiser la ville pour de mauvaises raisons. La confiance est essentielle à l'exercice de ses fonctions et M. Demers ne l'a plus, ni de la part des élus ni de la population », soutient M. Trottier. Ce dernier entend porter plainte auprès du ministère des Affaires municipales contre M. Demers, qui a contrevenu, selon lui, « aux valeurs du code d'éthique des élus ».

UN NÉCESSAIRE EXAMEN DE CONSCIENCE

Le conseiller municipal David De Cotis, l'un des meneurs du groupe de dissidents, invite Marc Demers à faire un examen de conscience. « M. Demers devrait se regarder dans un miroir et se demander s'il a encore l'appui et le respect des élus et de la population. Il n'a eu que 57 % d'appui des membres du Mouvement lavallois lors du vote de confiance [en mai dernier]. Puis, le 5 juin, nous sommes 10 élus à lui avoir enlevé notre appui. Il est minoritaire au conseil municipal et il n'a donc plus le contrôle de l'agenda politique », constate M. De Cotis.