Déçu du silence de la mairesse Valérie Plante quant à l'abandon du projet d'une murale pour honorer la mémoire de Fredy Villanueva tué par la police en 2008, le comité de soutien à la famille Villanueva réclame une intervention politique.

« J'espère qu'il y aura un leadership pris par la ville-centre et le gouvernement provincial », lance Ricardo Lamour en dénonçant la « décision violente » de créer une place de l'Espoir en lieu et place d'une murale commémorative. M. Lamour se désole de la « mise en scène » dans laquelle se perd le nom de Fredy Villanueva et qui éclipse le soulèvement populaire qui a suivi.

M. Lamour a réagi à l'annonce faite jeudi matin par la mairesse de l'arrondissement Montréal-Nord, Christine Black, de créer une place publique au coeur du parc Henri-Bourassa où a eu lieu l'intervention policière, il y a dix ans. Il est apparu courroucé par la double décision politique.

« La place de l'Espoir ne suffit pas quand ça devient la place du déni. [...] Personne n'est contre l'espoir, mais on est contre des jeux politiques », a ajouté M. Lamour.

Son collègue de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Alexandre Popovic, rappelle la volte-face de Christine Black. Avant de se lancer en politique, Mme Black dirigeait un organisme communautaire et s'était prononcée en faveur d'une murale afin que la mort de Fredy Villanueva ne tombe pas dans l'oubli.

M. Popovic dénonce l'« incroyable culot » de Mme Black. « C'est une victoire pour les «haters», estime-t-il.

Quant au silence de Valérie Plante, il s'interroge. «Je ne comprends les gens qui se lancent en politique et qui n'ont pas le courage de leurs convictions. Qu'est-ce qui font là? » Il se dit déçu de « tous ceux qui se taisent et qui pensent que c'est une injustice».

À son arrivée au pouvoir en novembre dernier, la mairesse Valérie Plante s'était dite «disposée» à honorer la mémoire de Fredy Villanueva par une murale, allant jusqu'à évoquer «des erreurs faites dans le passé qui ont coûté la vie à un jeune homme qui ne méritait pas de mourir». Elle disait que la murale serait «un geste de réconciliation». Ses déclarations avaient suscité beaucoup de critiques.

En conférence de presse jeudi matin, la mairesse Black a dit souhaiter « offrir un lieu pour se retrouver, se rencontrer, se souvenir, s'exprimer, se sentir libres et croire en l'avenir ». Mais le nom de Fredy Villanueva n'y apparaîtra pas, a-t-elle reconnu.

« C'est un sujet qui polarise beaucoup à Montréal-Nord. Ce n'est pas prévu», a-t-elle indiqué.

Pour ce qui est du projet de murale qui est mis de côté, elle a mentionné que les consultations auprès de la population et d'organismes n'ont pas permis d'obtenir un consensus. Mme Black a ajouté que le souhait était de trouver un projet rassembleur «pour faire un pas dans la même direction».

« Tel que le projet de murale était conçu, cela faisait en sorte qu'on avait beaucoup plus de désaccords que d'acceptation de la part de la population », a souligné la mairesse Black.

La place de l'Espoir constituera un carrefour piétonnier entre le parc, la Maison de la culture et les écoles Henri-Bourassa et Gerald-McShane. Une oeuvre sera installée au centre. La population sera conviée jusqu'à la mi-septembre à écrire «les pensées, les aspirations et les rêves [...] que les évènements de 2008» ont suscité. Tout cela sera scellé dans une capsule intégrée à la nouvelle place publique.

Mais pour MM. Lamour et Popovic, c'est une façon de cacher ce qui s'est passé et qui a laissé des traces profondes. « Il faut nommer Fredy Villanueva. [...] La toponymie a une valeur », souligne Ricardo Lamour.

La directrice générale de l'organisme les Fourchettes de l'espoir, Brunilda Reyes, qui assistait à l'annonce de la mairesse Black et qui était présente lors des événements de 2008, se souvient « qu'il y a eu beaucoup de souffrance ». « Mais on doit aller de l'avant. [...] Quand il y a un malheur, il faut toujours chercher à transformer cela en espoir », a-t-elle ajouté.