Un gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) se réserverait un « droit de veto » sur les projets de développement des transports collectifs choisis par les autorités compétentes de la métropole si ces projets ne concordent pas avec ceux qui sont prévus dans son plan de « décongestion », rendu public hier.

Le plan de la CAQ prévoit l'implantation de nouveaux tramways à Longueuil et dans l'est de Montréal, des prolongements du Réseau express métropolitain totalisant près de 40 kilomètres sur la Rive-Sud et en banlieue nord, l'élargissement de l'autoroute 30, de même qu'un prolongement de l'autoroute 13 jusqu'à Mirabel, en boulevard urbain (voir ci-bas).

Selon le chef de la CAQ, François Legault, les projets prévus dans ce plan coûteraient au total 10 milliards, à réaliser d'ici à 2030.

La ligne rose du métro, projet phare de l'administration de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ne figure pas dans le plan. Ce tronçon, affirme le document, « n'est pas encore assez développé et présente trop d'incertitudes quant au coût pour figurer dans les priorités du gouvernement du Québec ».

Un prolongement du métro à Longueuil n'est pas non plus dans les plans de la CAQ, mais on s'engage au moins à mener une étude en vue de l'implantation d'un autre mode de transport qui serait déployé dans le même axe, soit celui du boulevard Roland-Therrien.

RÉÉQUILIBRAGE

En présentant des choix d'investissements qui s'étendront sur 12 ans, et en écartant d'emblée des projets mis à l'étude, le plan Legault se trouve à couper l'herbe sous le pied de l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). Cette organisation, mise en place il y a un an à peine, a été expressément créée pour chapeauter et planifier le développement à long terme des réseaux de transports collectifs, tout en dépolitisant le choix des projets.

La CAQ n'a manifestement pas confiance en cette créature récente du gouvernement Couillard.

En présentant son plan, hier, M. Legault a indiqué que si la CAQ formait le prochain gouvernement, elle allait « se garder un droit de veto ». « On veut regarder ce qui est le plus important et le plus urgent pour les citoyens, quelles sont les propositions qui rejoignent le plus de citoyens. » 

« Évidemment, on va écouter les propositions de l'ARTM, mais nous, le plan, les priorités qu'on voit, c'est celles qui sont dans notre plan. »

- François Legault, chef de la CAQ

La CAQ estime de plus que l'ARTM devra revoir son plan de financement, qu'elle juge « inéquitable » pour les municipalités de banlieue.

« La ville centre [Montréal] est largement avantagée au détriment des banlieues, dit le document de la CAQ. Cette politique impose un fardeau fiscal indu aux résidants des banlieues et risque de nuire à la capacité de ces dernières de développer de façon efficace le transport collectif. »

La méfiance apparente de la CAQ envers les institutions métropolitaines ne s'arrête pas à l'ARTM. M. Legault a réitéré, hier, son intention de rééquilibrer les poids politiques respectifs du 450 et du 514, en soulignant que la mairesse de Montréal, Valérie Plante, « a une espèce de droit de veto » au sein d'instances décisionnelles comme la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

« Quand on consulte les maires, on voit que les priorités changent d'un maire à l'autre. Montréal doit avoir un poids important, mais le 450 doit avoir un poids équivalent. En cas de blocage, c'est la responsabilité du gouvernement d'arbitrer. L'addition du bien commun de Montréal et du bien commun du 450, ça ne donne pas nécessairement le bien commun pour l'ensemble de la CMM », a affirmé M. Legault.

« MOTS TRÈS DURS »

Philippe Cousineau-Morin, porte-parole de l'association d'usagers des transports collectifs Trajectoire Québec, s'inquiète des « mots très durs » de M. Legault envers l'ARTM, « qui nous apparaît, à nous, comme un modèle de gouvernance très sain » pour les transports en commun.

Depuis le 1er juin 2017, rappelle-t-il, c'est désormais l'ARTM qui fixe les tarifs, qui touche les revenus, qui définit les niveaux de service des autobus, des trains ou du métro dans l'ensemble du territoire métropolitain, et qui analyse et planifie les projets.

Cette nouvelle gouvernance des transports collectifs dans la région métropolitaine a commencé à se mettre en place en 2017, après des années de flottement et de mésentente entre les villes sur la nature ou l'ordre de priorité des grands projets.

« Je ne pense pas que les projets de transports collectifs devraient relever entièrement des autorités politiques. Dans le passé, cela a mené trop souvent à des projets choisis sur une base électorale et clientéliste, ou à des éléphants blancs. »

- Philippe Cousineau-Morin, porte-parole de Trajectoire Québec 

La création de l'ARTM, explique-t-il, a contribué à diluer le pouvoir des élus dans les décisions de l'organisme, dont le conseil d'administration est formé à majorité de personnes non élues, spécialistes de l'aménagement, du transport ou de l'économie.

« Le plan de la CAQ, dit le porte-parole, comprend plusieurs projets intéressants qui devraient être soumis à la discussion publique dans le cadre d'un plan de développement global des transports. Il témoigne aussi d'une évolution intéressante, en misant surtout sur les transports collectifs pour réduire les problèmes de congestion routière, même dans les banlieues. »

« Maintenant, il y a de tout dans ce programme-là. Il y a des beaux projets, comme les tramways de l'Est et du boulevard Taschereau, qui ressemblent aux propositions du Grand Déblocage du Parti québécois. Mais l'orientation générale de ce plan n'est pas très claire, ni l'ordre d'implantation des projets. Et il n'y a pas d'objectifs ou d'évaluation quant aux gaz à effet de serre », responsables des changements climatiques.

RÉACTIONS AU PLAN DE LA CAQ

VALÉRIE PLANTE, MAIRESSE DE MONTRÉAL

« Nous sommes heureux de constater que, comme nous, les partis politiques réfléchissent à l'avenir dans une perspective de mobilité durable. Le plan de décongestion de la CAQ est un plan intéressant, mais qui n'aborde pas la problématique principale, qui est la saturation du réseau du métro, que ce soit celle de la ligne orange ou des stations du centre-ville. La seule solution concrète à ce problème est, et demeure, le projet de construction de la ligne rose. »

REGROUPEMENT DES MAIRES ET MAIRESSES DE LAVAL ET DES BASSES-LAURENTIDES

« J'accueille avec enthousiasme les propositions de la CAQ en matière de transport », a réagi le maire de Laval, Marc Demers, dans un communiqué du Regroupement des maires et mairesses de Laval et des Basses-Laurentides. « J'accueille aussi favorablement l'engagement de la CAQ de revoir la politique de financement de l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) afin qu'elle assure une équité entre les territoires desservis », ajoute le maire de Laval. Pour sa part, le préfet de la MRC de Thérèse-De Blainville et maire de Blainville, Richard Perreault, ajoute qu'« on sent que cette formation politique veut passer rapidement à l'action pour désengorger les routes et améliorer la qualité de vie des citoyens. [...] Visiblement, nos demandes ont été entendues ».

SYLVIE PARENT, MAIRESSE DE LONGUEUIL

« C'est très positif. On nous parle de l'axe Taschereau et de la possibilité d'implanter un mode lourd dans l'axe Roland-Therrien, parce que le métro, on le sait, c'est très long et c'est très coûteux. Et nous, à Longueuil, on ne peut plus attendre. On a souffert d'un sous-investissement depuis 50 ans. C'est à notre tour d'avoir des investissements structurants en transports. En ce sens, on est contents de voir que Longueuil et la Rive-Sud seront sur la table de travail, et rapidement. »

LES PRINCIPAUX PROJETS DU «PLAN DE DÉCONGESTION» DE LA CAQ

RIVE-SUD

Prolongement de 22 km du futur Réseau express métropolitain (REM) jusqu'à Chambly, dans l'axe de l'autoroute 10 ;

Étude d'un prolongement éventuel du REM entre Brossard et Boucherville (dans l'axe de l'autoroute 30) et jusqu'à Sainte-Julie, dans l'axe de l'autoroute 20 ;

Élargissement de l'autoroute 30 à trois voies par direction entre Boucherville (autoroute 20) et Brossard (autoroute 10) ;

Implantation d'un tramway sur le boulevard Taschereau, à Longueuil, entre la station de métro Longueuil et la future station Rive-Sud du REM, à Brossard ;

Étude, avec les élus locaux, d'« un concept permettant de prolonger la ligne jaune du métro en partie en souterrain, puis en surface le long du boulevard Roland-Therrien » ;

Implantation de voies réservées aux autobus sur l'autoroute 20 et la route 116.

BANLIEUE NORD

Prolongement de 17 km du futur Réseau express métropolitain (REM), incluant quatre arrêts, entre la station Du Ruisseau et l'axe de l'autoroute 440 ;

Mise à l'étude d'une « expansion future » du REM dans l'emprise de l'autoroute 440, entre la route 125 (boulevard Pie-IX) et Laval-sur-le-Lac ;

Mise en service de voies réservées aux autobus sur les autoroutes 13, 15, 19, 25, 440 et 640 ;

Prolongement de l'autoroute 13 actuelle en boulevard urbain jusqu'à Mirabel ;

Parachèvement de l'autoroute 19 entre Laval et Bois-des-Filion.

EST DE MONTRÉAL

Rejet de la ligne rose du métro ;

Implantation d'un tramway dans l'axe de la rue Notre-Dame qui irait de la pointe est de l'île, à Pointe-aux-Trembles, jusqu'à la station Radisson, sur la ligne verte du métro. Le tramway serait prolongé à partir de la station Radisson jusqu'au collège Marie-Victorin, dans le nord de l'île, en passant par la future station de métro Anjou. Le projet est estimé à 1,8 milliard ;

Modernisation de la rue Notre-Dame entre l'autoroute 25 et le pont Jacques-Cartier, dans l'est de Montréal. Le projet, sur les tablettes depuis des années, serait réalisé en boulevard urbain, et non en autoroute ;

Réalisation, comme prévu, du prolongement de la ligne bleue du métro vers Anjou ;

Réalisation, comme prévu, du projet de service rapide par bus (SRB) du boulevard Pie-IX.

> Consultez le «plan de décongestion» de la CAQ