La Société de transport de Montréal (STM) est disposée à acquérir 17 trains additionnels de voitures Azur pour le réseau du métro qui permettront de préserver des emplois à l'usine de Bombardier de La Pocatière durant un peu plus d'un an.

Selon le président de la STM, Philippe Schnobb, le scénario du remplacement complet des voitures MR-73, dont certaines ont maintenant plus de 40 ans, «n'est pas envisageable à court terme» en raison du manque d'espace d'entretien pour de nouvelles voitures Azur sur le réseau actuel du métro.

Le remplacement des 423 voitures MR-73, a-t-il dit en commission parlementaire la semaine dernière, aurait forcé la STM à entreprendre une conversion des ateliers actuels de la station Honoré-Beaugrand, sur la ligne verte du métro, qui aurait entraîné des travaux de cinq à six ans, à un coût estimé de 600 millions.

Mais l'acquisition de 17 trains Azur additionnels, totalisant 153 voitures, aurait «un impact significatif» sur les services aux usagers. En plus d'assurer la totalité du service sur la ligne orange du métro - ce qui était déjà acquis avec la commande actuelle -, la STM déploierait ces nouveaux trains sur la ligne verte. Avec la livraison de ces nouvelles voitures, pas moins de 90% du service sur cette ligne serait assuré par les trains Azur.

«Les 17 trains correspondent à la capacité résiduelle actuelle de la STM, a affirmé M. Schnobb, lors d'une audition en commission parlementaire, mardi dernier, sur le projet de loi 186. Il serait possible d'accueillir ces trains sans effectuer des travaux d'infrastructures majeurs pour adapter des garages existants ou en construire de nouveaux.»

Un «pont» nécessaire à la pocatière

Le projet de loi 186, proposé par le gouvernement Couillard, vise à «prolonger» ou à réactiver le contrat de 2010 conclu entre la STM et le consortium forcé par les deux géants du transport par rail, Bombardier et Alstom. Ce contrat de 1,2 milliard prévoyait la livraison de 468 voitures MPM-10, maintenant nommées Azur, en remplacement des vieilles voitures originales du métro de 1966, les MR-63. Le contrat arrivera à terme à la fin de cette année.

Pas moins de 300 emplois reliés directement à l'assemblage de ces voitures à l'usine Bombardier de La Pocatière, dans la région du Bas-Saint-Laurent, seront perdus avec la fin de ce contrat.

La décision de la Caisse de dépôt et placement du Québec de confier la fabrication du matériel roulant du futur Réseau express métropolitain (REM) à un consortium mené par la multinationale Alstom a mis fin aux espoirs de conserver ces emplois à long terme en raison d'un carnet de commandes à peu près épuisé. Afin de conserver l'usine en fonction, Québec a donc proposé d'accélérer le renouvellement des voitures du métro en prolongeant le contrat signé en 2010 pour la construction des voitures Azur.

«Il est trop tard pour éviter les licenciements de 200 à 250 travailleurs à La Pocatière entre août et décembre 2018. Si une deuxième commande de voitures Azur devait se concrétiser, il sera possible de rappeler ces travailleurs. Nous souhaitons que le délai soit le plus court possible», a affirmé Benoît Brossoit, président de Bombardier Transport pour la région des Amériques.

Mardi dernier, en commission parlementaire, M. Brossoit a indiqué que l'usine du Bas-Saint-Laurent emploie actuellement 600 personnes, dont la moitié travaille sur les voitures Azur. Des contrats de transports collectifs en Ontario et pour la remise à niveau de 17 voitures de passagers de VIA Rail occupent aussi la main-d'oeuvre locale.

Le président de Bombardier Transport pour les Amériques estime que dans les cinq prochaines années, un marché d'environ 20 milliards en projets ferroviaires se dessine, et que celui-ci devrait offrir des occasions à la multinationale pour conserver son usine en fonction.

M. Brossoit estime toutefois que pour conserver les emplois actuels à long terme, un « pont » d'activités serait nécessaire pour limiter les licenciements. Une nouvelle commande de voitures Azur pourrait combler ce vide entre la fin du contrat actuel et d'autres contrats possibles.

Une expertise «rare» à conserver

Pour l'autre partenaire du contrat Azur, la prolongation du contrat original de 2010 permettra surtout de protéger une expertise acquise en soudure industrielle «rare au Québec, dans la région de Sorel-Tracy ou même dans le monde», selon le vice-président et directeur commercial d'Alstom Transport Canada, Souheil Abihanna.

À son usine de Sorel-Tracy, Alstom fabrique et assemble quatre des composants essentiels aux voitures du métro de Montréal : les bogies, sur lesquels repose la caisse des voitures, le système de traction, les systèmes d'information de sécurité des passagers et de contrôle automatique des trains. Selon M. Abihanna, ces composants représentent environ 40% du contrat Bombardier-Alstom, et fournissent des emplois à 70 des 100 employés de l'usine.

Ces emplois, assure-t-il, sont hautement spécialisés. Les soudeurs d'Alstom sont formés en France, à l'usine mère de l'entreprise. Afin de conserver cette main-d'oeuvre, des contrats pour d'autres systèmes de transport, dont un pour la ville de Santiago, au Chili, ont été en partie transférés à Sorel-Tracy en attendant une éventuelle commande de la STM.

Négociations

«S'il y une commande additionnelle, explique M. Abihanna, il faudra d'abord lancer l'approvisionnement de toutes les pièces. Un train ne se fabrique pas du jour au lendemain. Pendant que les fournisseurs sont en attente [Alstom en compte environ 40 dans la région de Sorel-Tracy pour les voitures Azur] et qu'ils commencent à se préparer, il y a un temps qui s'écoule pendant lequel il n'y aura plus de bogies qui seront fabriqués à Sorel-Tracy pour le métro de Montréal. Ce qu'on est en train de faire, c'est de ramener d'autres charges pour remplir ce "trou", en attendant que les pièces rentrent et qu'on puisse relancer la chaîne de production.»

La STM ne peut pas légalement commencer la négociation d'une nouvelle commande avec ses fournisseurs avant l'adoption du projet de loi 186. Si la loi est adoptée, a précisé M. Schnobb, les négociations seront entreprises pour la livraison de 153 nouvelles voitures qui seront essentiellement identiques aux 468 voitures déjà commandées. Leur prix, toutefois, devrait être différent, puisque des coûts non récurrents de recherche et développement, de conception, d'ingénierie et de qualifications techniques ont déjà été absorbés dans le cadre du contrat original.

M. Schnobb a clairement laissé entendre que la STM s'attend à payer moins cher que les 2,4 millions par voiture du premier contrat.

La valeur du contrat pour les 17 trains additionnels et l'échéancier de livraison des 153 voitures dépendront donc du déroulement des négociations à venir.

À la fin de l'année 2017, le parc de matériel roulant du métro comprenait 843 voitures, selon les données de la STM. Avec les livraisons prévues d'ici à la fin du contrat des voitures Azur et une possible commande de 17 trains additionnels, le nombre de voitures devrait passer à 909, soit de quoi équiper 101 trains complets au total pour le métro de Montréal.