L'administration Plante souhaite que la Société du parc Jean-Drapeau (SPJD) « enclenche un processus transparent pour solliciter ouvertement le marché » auprès de promoteurs en 2021 après l'expiration du contrat du Groupe CH comme promoteur de spectacles au parc Jean-Drapeau.

Le Groupe CH a payé 1,3 million de dollars en loyer en 2017 pour présenter ses spectacles et ses festivals de musique au parc Jean-Drapeau, a révélé hier soir la SPJD. Il s'agit d'une somme nettement inférieure au loyer payé par plusieurs festivals américains pour louer des parcs publics.

L'administration Plante s'attend d'ailleurs à un loyer plus élevé de la part du Groupe CH pour les trois dernières années de son bail (de 2018 à 2020). Et elle souhaite que la SPJD « sollicite ouvertement le marché » pour choisir des gestionnaires de spectacles au parc Jean-Drapeau à l'expiration du bail actuel du Groupe CH en 2021, au lieu de conclure un contrat sans appel d'offres comme elle l'a fait lors du renouvellement de 2016.

« Je note la progression des revenus liés à la nouvelle entente et je m'attends à une croissance des revenus au cours des prochaines années, surtout après tous les investissements que la Ville de Montréal a faits sur le site de l'amphithéâtre. » - Valérie Plante

« Je pense qu'au terme de l'entente avec evenko, la SPJD devra enclencher un processus transparent pour solliciter ouvertement le marché. Le conseil d'administration [de la SPJD] est d'ailleurs tout à fait d'accord avec cette vision », a indiqué la mairesse de Montréal hier dans une déclaration écrite à La Presse. Le nouvel amphithéâtre du parc Jean-Drapeau, qui sera inauguré l'été prochain, a été construit avec 28 millions de fonds publics de Montréal et de Québec.

Le communiqué de presse de la SPJD diffusé hier était toutefois muet sur la question d'un « processus transparent pour solliciter ouvertement le marché » en 2021 évoqué par la mairesse. Québecor, un concurrent du Groupe CH, fait des démarches en ce sens auprès de la Ville de Montréal depuis 2014.

Le bail actuel confère à evenko - une filiale du Groupe CH - un « droit de regard » sur la production de spectacles de musique d'artistes internationaux par tout autre promoteur au parc Jean-Drapeau. En pratique, aucun autre promoteur qu'evenko n'y a produit un tel spectacle depuis 10 ans.

Plus tôt ce mois-ci, La Presse a révélé les détails du bail - jusque-là confidentiel - entre evenko et la SPJD, la société paramunicipale qui gère le parc. La mairesse Valérie Plante avait ensuite demandé « plus de transparence » à la SPJD, précisant être désireuse comme citoyenne « de connaître cette entente-là » et de voir « comment on est concurrentiel par rapport aux autres festivals ».

La SPJD a divulgué hier soir vers 20 h 30 par communiqué de presse le loyer payé par evenko au cours des trois dernières années. En 2015, soit la dernière année de l'ancien bail, evenko a payé un loyer de 571 400 $ pour présenter ses festivals et ses spectacles au parc Jean-Drapeau. Un nouveau bail de cinq ans est entré en vigueur en 2016. evenko a payé un loyer de 959 800 $ en 2016 et de 1,313 million en 2017. En 2017, evenko a présenté les événements suivants au parc Jean-Drapeau : les festivals Osheaga, ÎleSoniq et Montréal 77' ainsi que les spectacles de Metallica et de Guns N' Roses.

LOYER LE PLUS ÉLEVÉ AU CANADA

Le Groupe CH dit payer le plus important loyer au Canada pour des festivals de musique. En même temps, il paie un loyer nettement inférieur à ce que paient des festivals américains à but lucratif - comme les festivals d'evenko - pour louer des parcs publics.

En excluant l'effet du taux de change, le Groupe CH paie deux fois et demie moins cher en loyer par spectateur que les festivals américains. En pourcentage des revenus de billetterie, le Groupe CH consacre à son loyer environ 6 % des revenus de billetterie de ses festivals au parc Jean-Drapeau, contre 12 % à San Francisco et 17 % à Chicago et à Austin.

Comment expliquer un tel écart de loyer avec les festivals américains ? À l'inverse des contrats à Chicago et à San Francisco, le contrat de bail du Groupe CH ne comporte pas de redevances à pourcentage sur les ventes de billets. Autre détail ayant des conséquences majeures sur le loyer : le contrat du Groupe CH prévoit un plafond de redevances sur les billets de 200 000 $ par festival, alors que les festivals américains n'ont pas de plafond. Selon les informations publiées par La Presse plus tôt ce mois-ci, le bail du Groupe CH est structuré ainsi : des frais annuels de 100 000 $, des redevances sur les billets variant entre 50 000 $ et 200 000 $ par festival (à raison de 3 $ par billet) et une redevance de 9 % sur la vente de bière.

En entrevue plus tôt ce mois-ci, le Groupe CH estimait payer le loyer « le plus cher » au Canada pour un festival de musique.

« Nous pensons que nous sommes l'événement qui paie le plus cher [en loyer] au Canada. Le contrat a été bien négocié, de façon correcte, avec la Société du parc Jean-Drapeau (SPJD). Notre bail est à la bonne valeur », disait en entrevue à La Presse Jacques Aubé, vice-président exécutif et chef de l'exploitation de la filiale evenko.

Le Groupe CH rejetait les comparaisons avec les festivals américains, préférant se comparer avec des festivals de musique au Canada. « Ce sont des événements de taille différente [de celle des festivals d'evenko]. Les parcs [américains] sont dans le centre-ville. Il y a beaucoup plus de capacité [pour les festivals américains], le contexte économique est totalement différent, les services [offerts par le site] sont totalement différents, les coûts de logistique pour la ville sont plus élevés qu'ici. Chicago et San Francisco ne sont pas des marchés comme Montréal en termes de taille économique et de population », disait M. Aubé, qui précisait aussi être « fier » des retombées économiques de 19 millions par an générées par le festival Osheaga. Le Groupe CH n'a pas commenté le dossier hier.

DEUX FACTEURS PRIS EN COMPTE

En 2015, l'administration Coderre a annoncé un investissement de 28 millions pour agrandir le parterre de l'île Sainte-Hélène de 45 000 à 65 000 places (10 millions) et pour ajouter des équipements technologiques sur le site (18 millions). Ce projet sera terminé à l'été 2019. Le Groupe CH avait un bail avec la SPJD de 2012 à 2015, puis a signé un nouveau bail valide de 2016 à 2020.

Par communiqué de presse, la SPJD a expliqué hier avoir tenu compte de deux facteurs en particulier dans la négociation de son entente avec le Groupe CH. « D'abord, la nouvelle entente commerciale devait refléter une progression quant aux revenus en lien avec les sites utilisés et, deuxièmement, la SPJD devait considérer les coûts additionnels que représente, pour le partenaire, l'aménagement d'un site alternatif sur l'île Notre-Dame (2017 et 2018) », indique la SPJD.

Le Groupe CH aurait donc obtenu des conditions plus intéressantes en 2017 et 2018, alors qu'il a dû déménager ses festivals et autres événements dans l'île Notre-Dame en attendant la construction du nouvel amphithéâtre sur l'île Sainte-Hélène. Le bail prévoit ainsi trois phases : l'ancien site en 2016, le site temporaire de l'île Notre-Dame en 2017 et 2018, et le nouvel amphithéâtre rénové en 2019 et 2020.

La mairesse de Montréal Valérie Plante s'est dite « heureuse qu'evenko ait consenti à dévoiler ces chiffres ». Une clause de confidentialité dans le bail interdisait à la SPJD de dévoiler les chiffres auparavant, mais evenko a indiqué hier par communiqué avoir autorisé la SPJD à divulguer « le sommaire des revenus » de son entente « par souci de transparence ».