L'administration Plante impose le principe de transparence à ses corps de police et de pompiers en l'inscrivant noir sur blanc dans ses règlements. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) seront désormais tenus de se présenter au moins 10 fois par an devant élus et citoyens pour répondre publiquement aux questions. Toutes les questions.

LE PRINCIPE DE TRANSPARENCE INSCRIT NOIR SUR BLANC

« Il faut cesser de balayer les sujets controversés et difficiles sous le tapis », estime Alex Norris, président de la Commission de la sécurité publique. Déjà depuis le début de l'année, l'élu a multiplié les séances publiques, mais celui-ci dit vouloir aller plus loin en enchâssant ce principe de transparence en toutes lettres dans les règlements municipaux. Lors de la séance du conseil municipal d'aujourd'hui, les élus montréalais seront ainsi appelés à voter des changements aux règles de fonctionnement des commissions, première révision en 10 ans.

LA CULTURE DU SECRET

Principal changement, Montréal introduira la notion de « discussion publique », qui permettra désormais aux citoyens de profiter des séances pour poser toutes les questions touchant à la sécurité publique, et non pas strictement sur le sujet du jour. Alex Norris espère ainsi mettre à mal la culture du secret qui existe depuis longtemps au sein du corps policier et chez les pompiers. « Je suis convaincu que la faiblesse de cette culture de reddition de comptes a contribué à la crise qu'a vécue récemment le SPVM. Quand on ne pose pas les questions difficiles, en toute transparence, les pratiques malsaines peuvent perdurer », estime l'élu.

CINQ FOIS PLUS DE RENCONTRES PUBLIQUES

Les nouvelles règles prévoient que la Commission de la sécurité publique sera tenue de se réunir publiquement au minimum dix fois par an, plutôt que seulement deux, comme c'était le cas auparavant. Le SPVM et le SIM seront de plus tenus de diffuser en ligne trois jours avant les rencontres le contenu de leurs présentations afin de permettre aux citoyens et aux élus de se préparer. La seule limite que la Commission maintiendra sera de ne pas aborder les cas individuels, afin de s'en tenir aux orientations générales. « On n'est pas là pour se substituer aux instances comme le Comité de déontologie policière, la Commission des droits de la personne ou les tribunaux », résume Alex Norris.

ÉTAT-MAJOR ACCAPARÉ ?

Pour éviter d'accaparer le temps du chef de police ou des pompiers avec toutes ces rencontres, la Commission n'imposera pas leur présence à toutes les séances. Des membres de l'état-major pourront être délégués afin de présenter un dossier ou défendre certaines décisions. Et au-delà du SPVM et du SIM, Alex Norris n'écarte pas la possibilité de convoquer des experts pour présenter le résultat de travaux, comme des criminologues ayant mené des études sur des enjeux touchant Montréal. « D'autres grandes villes ont des rencontres mensuelles, alors si d'autres villes peuvent le faire, je ne vois pas pourquoi Montréal ne pourrait pas », estime Alex Norris.

UN CALENDRIER CHARGÉ

Depuis le début de 2018, la Commission de la sécurité publique s'est déjà réunie à sept reprises. Deux autres rencontres sont déjà à l'agenda en juin et une à l'automne. Le chef intérimaire du SPVM, Martin Prud'homme, a notamment présenté son plan de réorganisation du service, tandis que son état-major a défendu l'utilisation des armes intermédiaires par ses agents, en plus de présenter son rapport annuel. En juin, des policiers seront appelés à expliquer leurs stratégies de gestion des manifestations. Et à l'automne, la Commission prévoit entendre le SPVM sur ses stratégies pour appliquer les règles de sécurité routière auprès des piétons et cyclistes. De son côté, le SIM a dû brosser le portrait de ses efforts pour contrer le stress post-traumatique chez les pompiers depuis qu'ils sont premiers répondants. Le Service de sécurité incendie a aussi présenté ses efforts pour diversifier ses effectifs, décrire ses démarches pour contrer les maladies professionnelles - principalement les cas de cancer - et faire un retour sur les inondations de 2017.

VIVRE AVEC LE RISQUE

Alex Norris convient que l'administration montréalaise pourrait se retrouver en eaux troubles si des révélations venaient éclabousser sa gestion, mais l'élu estime que le jeu en vaut la chandelle. « Oui, [la transparence] peut générer des moments d'inconfort, mais ce dialogue est essentiel pour améliorer les liens de confiance avec la population. Les politiciens veulent souvent éviter les grands débats déchirants, mais c'est un risque qu'on est prêts à prendre. »

TEMPS DE PAROLE

L'opposition à l'hôtel de ville a salué ce virage en matière de transparence, estimant qu'il s'imposait en effet à la suite de la crise de confiance ayant ébranlé le SPVM ces dernières années. Le conseiller Abdelhaq Sari espère toutefois que cette ouverture ne se fera pas au détriment des élus. « Je suis le seul représentant de l'opposition et il ne faut pas que cette ouverture se fasse au détriment de notre temps de parole ou de celui des villes liées. On représente l'ensemble des Montréalais, pas juste ceux qui ont pu se déplacer », dit-il. Lors de la récente étude sur l'intervention de la sécurité civile lors des inondations au printemps 2017, Abdelhaq Sari déplore de n'avoir pu poser qu'une seule des quatre questions qu'il avait préparées.

Photo fournie par Projet Montréal, archives La Presse

Alex Norris, président de la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal