La perte de popularité de l'argent comptant et des chèques pour payer ses taxes et ses constats d'infraction coûte cher à la Ville de Montréal. Les frais bancaires de la métropole ont pratiquement doublé, passant de 2,6 à 4,1 millions par an, en raison du virage prononcé pour les paiements en ligne et par cartes.

Encaisser les taxes et les revenus de constats d'infraction. Faire les paiements auprès des fournisseurs ou encore la paie des employés. La Ville de Montréal doit recourir à une institution bancaire pour gérer l'ensemble de ses transactions. L'administration Plante vient ainsi d'accorder un contrat sur 5 ans de 17,3 millions à la Fédération des caisses Desjardins afin de gérer les services bancaires de Montréal. En ajoutant l'enveloppe de 3,5 millions en imprévus, soit 20 % de la valeur du contrat, la facture en frais bancaires devrait ainsi s'élever à 4,1 millions par an.

Cette somme est nettement plus élevée que l'ancien contrat, accordé en 2009. À l'époque, l'administration Tremblay avait donné un mandat de 10 ans à Desjardins pour 17,7 millions. On avait toutefois ajouté une enveloppe de 5,3 millions, soit 30 %, pour couvrir les imprévus. Et voilà, alors que le contrat devait prendre fin en août 2019, la Ville a récemment constaté qu'elle allait avoir dépensé la totalité de ces 23,1 millions en juin, soit 14 mois avant la fin de l'entente.

Montréal explique cette augmentation rapide des coûts pour ses services bancaires par la popularité croissante des paiements électroniques et par cartes de débit et de crédit. « Depuis les dernières années, l'évolution dans les modes de paiement fait en sorte que les contribuables délaissent les modes traditionnels de paiement par chèque et au comptant au profit des paiements par cartes et en ligne », indique un document remis aux élus.

« Cette évolution dans les modes de paiement a occasionné une augmentation importante des coûts relatifs aux paiements par cartes de crédit et de débit. »

- Extrait du document remis aux élus

Cette augmentation en flèche n'est pas nouvelle. En 2004, la métropole avait accordé un contrat de 4,7 millions sur 5 ans à Desjardins pour gérer ses services bancaires. Mais dès 2008, la Ville avait épuisé les fonds, et on avait dû majorer le prix du contrat de 1,9 million en raison de l'augmentation des frais. Ainsi, de 2004 à 2009, la facture de Montréal, qui devait être de 931 000 $ par an, a plutôt été de 1,3 million.

IMPORTANT ÉCART DE L'ESTIMATION

Bien que la facture du nouveau contrat soit nettement plus élevée que celle du précédent, elle s'est avérée malgré tout beaucoup moindre que ce qu'escomptait la Ville. Les estimations effectuées par la métropole avant l'attribution du contrat prévoyaient une facture de 32,5 millions sur 5 ans.

Pour expliquer cet important écart, Montréal dit avoir basé son estimation sur les prix obtenus auprès des institutions bancaires lors d'un appel d'intérêt. Or, lors de l'appel d'offres mené ce printemps, « le prix de la majorité des services offerts a été escompté de façon substantielle », note la Ville.

Si trois institutions bancaires ont répondu à l'appel d'offres de Montréal, seule la proposition de Desjardins a été jugée conforme. Les offres de la Banque Royale et la Banque Nationale ont été écartées parce que celles-ci souhaitaient recourir à un sous-traitant qui exigeait de signer lui-même un contrat avec la Ville. Montréal a rejeté leur proposition, leur soulignant qu'une soumission ne peut imposer des conditions. Ancienne cliente de la Banque Nationale, la Ville de Montréal fait affaire avec Desjardins depuis 2004.

La Commission d'examen des contrats, qui veille à la probité de l'attribution des contrats, a pris note du « peu d'ouverture du marché ». « Les banques ont de la difficulté à avoir de la flexibilité dans leurs soumissions », se désole Karine Boivin-Roy, qui préside la Commission d'examen des contrats.

Les élus se sont aussi étonnés de l'important écart entre le résultat de l'appel d'offres et les estimations.