Réduire la place consacrée aux voitures peut-il assurer l'avenir des artères commerciales ? C'est le pari que la Ville de Grenoble, en France, a fait en interdisant la circulation dans certains secteurs de son centre-ville et en réduisant à 30 km/h la vitesse dans l'ensemble de ses rues.

À l'heure où Montréal est à redéfinir sa principale artère commerciale, la rue Sainte-Catherine, l'organisme Vivre en ville a eu l'idée d'inviter le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, afin de présenter les efforts de son agglomération pour rendre son centre-ville plus attrayant. Parce que tout comme au Québec, les commerçants français vivent des heures difficiles.

« Le commerce de détail en France n'est pas très en forme. En 50 ans, cinq épiceries sur six ont disparu, deux bouchers sur trois, la moitié des boulangeries et des magasins de vêtements. La situation est problématique », constate Éric Piolle, en entrevue à La Presse.

Pour ce maire écologiste élu en 2014, ces difficultés sont directement reliées au « tout à la voiture » et à la multiplication des centres commerciaux en périphérie, qui font la vie dure aux commerces de proximité.

« COEURS DE VILLE, COEURS DE MÉTROPOLE »

Jeudi, alors qu'il partagera la scène avec Valérie Plante au Rendez-vous des collectivités viables, Éric Piolle détaillera comment Grenoble a décidé de mettre en place un plan pour réduire la place des voitures au centre-ville, projet baptisé « Coeurs de ville, coeurs de métropole ».

Les rues autour de la principale place publique de la ville, la place Grenette, ont été piétonnisées. L'agglomération est à implanter un réseau cyclable express, Chronovélo, qui offrira quatre axes rapides, pour un total de 40 km de voies, afin de relier la périphérie. Grenoble a embauché une responsable de l'animation commerciale afin de dynamiser le centre-ville en organisant des événements. Par ailleurs, les mesures ne se limitent pas au centre-ville, où vivent 160 000 personnes, mais touchent le coeur des 49 communes composant cette agglomération du sud-est de la France.

Ce projet fait également suite au plan « métropole apaisée » qui consistait à l'implantation de mesures d'apaisement de la circulation. La vitesse a été réduite à 30 km/h dans la quasi-totalité des rues de l'agglomération, à l'exception de certains axes majeurs.

« On change de logique. Ce qui est important, c'est que l'espace public ne soit plus juste un espace de circulation où l'on est soumis à des stimulus de consommation, mais un espace de rencontre, de plaisir, de qualité de vie, un espace où l'on vient faire des courses, boire une bière, faire jouer les enfants dans un parc. » - Éric Piolle, maire de Grenoble

PAS DE CATASTROPHE

Le gros des travaux du projet Coeurs de ville n'a pas encore été réalisé, mais les premiers résultats sont déjà prometteurs, selon les données de l'observatoire mis en place pour en évaluer les retombées. « Le nombre de vélos a doublé, la fréquentation des transports en commun a augmenté de 7 % sur les lignes desservant le centre-ville. Et la fréquentation du centre-ville est demeurée stable. On n'est pas dans la catastrophe annoncée », expose Éric Piolle.

Grenoble a même connu une légère diminution du taux d'inoccupation des locaux commerciaux, passé de 8,8 % à 8,3 % depuis un an. Le maire se montre toutefois prudent avant de crier victoire, attendant de voir s'il s'agit d'un simple soubresaut statistique ou d'une tendance à long terme.

Malgré les craintes et critiques que ces changements peuvent causer, notamment chez les commerçants, Éric Piolle dit avoir décidé d'aller résolument de l'avant.

« On fait le choix de la vitesse en se disant que collectivement, on va se donner confiance, se dire qu'on arrive à changer les choses. Au lieu d'avoir envie de changer, on a plaisir à changer. » - Éric Piolle, maire de Grenoble

Le discours d'Éric Piolle n'est pas sans rappeler celui de Projet Montréal, qui martèle depuis des années le thème de la ville à échelle humaine. Les parallèles entre Grenoble et Montréal sont d'ailleurs nombreux.

La ville française a accueilli les Jeux olympiques d'hiver en 1968, huit ans avant les Jeux d'été dans la métropole québécoise. Tout comme à Montréal, l'événement organisé en plein âge d'or de l'automobile a lourdement marqué son développement, la ville ayant vu se multiplier les autoroutes et larges boulevards.

À l'instar de Montréal, Grenoble a tourné le dos au tramway dans les années 50. Alors que la métropole québécoise a misé sur le métro, la ville française a décidé à la fin des années 80 de ressusciter le tramway, comptant aujourd'hui cinq lignes d'une longueur totale de 43 km. Plusieurs projets de prolongement sont dans les cartons.

Tout comme Montréal, Grenoble est une ville universitaire affichant un âge moyen sous la moyenne nationale. Le tiers de sa population a de 15 à 29 ans.

Autre parallèle, Grenoble a également connu une période sombre en politique municipale alors que l'un de ses anciens maires, Alain Carignon (1983 à 1995), s'est retrouvé en prison pendant 29 mois dans une affaire de corruption.