Une catastrophe ferroviaire a été évitée de justesse à Terrasse-Vaudreuil, l'été dernier : deux autobus ont été coincés dans un passage à niveau, entre les barrières baissées et entre deux voies parallèles, alors qu'un train arrivait.

Le train a heureusement pu s'arrêter avant le passage à niveau. Mais cet incident illustre bien pourquoi la population de cette localité à l'ouest de Montréal réclame depuis plus de 50 ans un pont d'étagement (viaduc) pour enjamber les voies ferrées, afin de désenclaver la petite municipalité de 2000 habitants, dont les deux seuls accès croisent les rails.

Comme sa demande reste lettre morte depuis des décennies, le conseil municipal s'est rabattu sur un objectif plus modeste : un tunnel pour piétons, à côté de la gare Pincourt-Terrasse-Vaudreuil, notamment pour éviter aux quelque 1000 utilisateurs quotidiens de cette gare de train de banlieue de devoir traverser les quatre voies.

Mais cette solution ne réglerait pas les désagréments que le chemin de fer entraîne pour la circulation automobile. En plus des 97 trains quotidiens qui dictent l'horaire des déplacements des résidants, les barrières aux passages à niveau sont parfois défectueuses et se baissent même quand il n'y a pas de train, ajoutant à l'exaspération et à l'inquiétude de la population.

D'autant que certains ont encore en mémoire le tragique accident de 1966, dans la localité voisine de Dorion, qui a coûté la vie à 20 adolescents, quand leur autobus a été happé par un train à cause des barrières défectueuses à un passage à niveau.

Voici quelques enjeux majeurs pour la municipalité enclavée entre le chemin de fer et le lac des Deux Montagnes.

1. Trop longs à traverser

En juin dernier, l'incident des autobus coincés dans le passage à niveau a donné la chair de poule à tout le monde. Les deux véhicules du Réseau de transport métropolitain (RTM) allaient cueillir des passagers à la sortie du train de banlieue, à la gare Pincourt-Terrasse-Vaudreuil. Ils suivaient un camion, qui traversait lentement le passage à niveau devant eux, en raison des cahots très prononcés dans la chaussée, aux abords des rails.

Quand les autobus se sont engagés dans le passage à niveau, les signaux ne clignotaient pas. Mais les barrières se sont abaissées avant qu'ils ne puissent émerger de l'intersection, parce qu'un train de marchandises arrivait. L'un des chauffeurs a rangé son véhicule à côté de celui qui le précédait, laissant tout juste assez de place pour le passage du convoi.

« Si ça avait été un autobus scolaire, il n'y aurait pas eu assez d'espace entre les deux voies ferrées, parce que ces véhicules sont plus longs. Le train aurait pu lui accrocher l'arrière », souligne le conseiller municipal Jean-Pierre Brazeau, qui suit ce dossier depuis de nombreuses années, après avoir travaillé pour le CP pendant toute sa carrière.

Le conducteur de la locomotive a pu freiner son mastodonte juste avant le passage à niveau, comme on peut le voir sur la photo prise par la caméra du CN, installée à l'avant du train.

Mais ce quasi-accident a eu l'effet d'un électrochoc. Le CN et le CP, qui possèdent chacun l'une des voies ferrées doubles, ont exécuté rapidement, en juillet et en octobre 2017, des travaux pour éliminer les cahots trop prononcés dans le passage à niveau, permettant ainsi aux véhicules de traverser plus rapidement.

2. Des barrières déréglées

Parfois, les barrières des passages à niveau descendent sans qu'il y ait de train s'approchant sur les rails. « Elles sont déjà restées baissées pendant une heure, dit Jean-Pierre Brazeau. Les gens se tannent et passent à côté, mais ça peut être dangereux si des voitures se rencontrent au milieu. » Des piétons passent aussi sous les barrières, surtout s'ils craignent de rater le train de banlieue. Le CP est responsable du mécanisme des barrières à ce passage à niveau. Un porte-parole du transporteur, joint à Minneapolis, au Minnesota, n'a pas été en mesure d'expliquer la cause de ces problèmes ni de préciser leur fréquence. Selon M. Brazeau, c'est le sel de déglaçage qui déréglerait le mécanisme des barrières.

3. Protéger les piétons

La construction d'un tunnel pour piétons près de la gare Pincourt-Terrasse-Vaudreuil éviterait aux usagers de traverser les rails à pied. La semaine dernière, le conseil municipal de Terrasse-Vaudreuil a adopté une résolution pour demander aux députés qui représentent la région à Ottawa et à Québec de les aider à réaliser ce projet. Ont-ils plus de chances d'obtenir une telle infrastructure que le pont d'étagement réclamé depuis 50 ans ?

Le député libéral fédéral de Vaudreuil-Soulanges, Peter Schiefke, a répondu par courriel qu'il soutenait « tous les projets qui sont mis en avant dans le but d'améliorer les conditions de vie et la sécurité des résidants de Vaudreuil-Soulanges », sans se prononcer sur la demande du conseil municipal. La députée libérale de Vaudreuil à Québec, Marie-Claude Nichols, n'a pas donné suite à nos demandes d'entrevue.

Quant au RTM, une porte-parole nous a répondu par courriel qu'il était « en faveur de tout projet visant à ajouter des mesures supplémentaires pour la sécurité de ses usagers et [serait] prêt à collaborer à ce projet le temps venu ».

4. Une ville enclavée

Il y a quelques années, un long train de marchandises est tombé en panne à la hauteur de Terrasse-Vaudreuil, bloquant les deux chemins d'accès à la localité, qui sont distants l'un de l'autre de deux kilomètres. « Pendant quatre heures, il était impossible de sortir de Terrasse-Vaudreuil ou d'y entrer, à moins de passer entre les wagons, raconte Jean-Pierre Brazeau. En cas d'urgence, les seules façons de sortir auraient été le bateau ou l'hélicoptère ! » Un tunnel piétonnier permettrait au moins aux ambulanciers d'évacuer en civière en cas d'urgence, mais ce n'est pas la solution idéale, selon M. Brazeau.

5. Des souvenirs douloureux

En octobre 1966, un terrible accident fait 20 jeunes victimes à Dorion, juste à côté de Terrasse-Vaudreuil : en route pour une soirée de danse dans une école secondaire, un autobus transportant une quarantaine d'adolescents est happé par un train du CN à un passage à niveau.

L'autobus s'était d'abord arrêté pour un train de passagers. Selon des témoignages de l'époque, les barrières se sont ensuite relevées. Mais un train de marchandises arrivant dans la direction opposée a embouti l'autobus. À l'époque, la tragédie avait consterné le pays. Un rapport du coroner n'avait blâmé personne, mais la population avait réclamé des passages à niveau plus sécuritaires. Plusieurs ponts d'étagement permettant de passer au-dessus le chemin de fer ont d'ailleurs été construits dans le secteur après le drame. Mais pas à Terrasse-Vaudreuil.

PHOTO CAPTÉE PAR LA CAMÉRA DE LA LOCOMOTIVE

L'été dernier, deux autobus ont été coincés dans un passage à niveau à Terrasse-Vaudreuil, entre les barrières baissées et entre deux voies parallèles. Le train a heureusement pu s'arrêter avant le passage à niveau.

Photo Yves Beauchamp, archives La Presse

En octobre 1966, un terrible accident fait 20 jeunes victimes à Dorion. Un autobus transportant une quarantaine d'adolescents a été happé par un train du CN.