Après une brève accalmie, l'exode des jeunes familles montréalaises vers la banlieue a repris de plus belle en 2017, révèle un nouveau bilan de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). À l'inverse, la Gaspésie connaît un rare bilan positif... grâce à l'arrivée de Montréalais.

Montréal a perdu l'an dernier 19 900 citoyens, essentiellement au profit de sa banlieue. Si le nombre de personnes ayant décidé de venir s'établir dans l'île est stable depuis plusieurs années (environ 38 000 par an), les rangs de ceux qui ont décidé de quitter l'île ont fortement progressé, pour atteindre la barre des 58 000 en 2017.

Les données de l'ISQ démontrent que la métropole perd principalement de jeunes familles, puisque les pertes se concentrent chez les gens âgés de moins de 15 ans ainsi que chez les 25 à 44 ans. «Le déficit marqué chez les 0-14 ans indique que les familles avec enfants demeurent plus nombreuses à quitter l'île qu'à s'y établir», note le rapport.

Montréal attire les jeunes étudiants

Les données de l'ISQ indiquent que Montréal attire principalement de jeunes étudiants, soit les gens de 15 à 24 ans. Mais voilà, les jeunes Québécois ont de moins en moins la bougeotte. En 2000, pas moins de 51 000 jeunes Québécois de 15 à 24 ans avaient déménagé. L'an dernier, ils n'étaient plus que 35 000. Le phénomène a particulièrement touché Montréal, alors que ses gains chez les jeunes ont chuté de moitié depuis 15 ans.

La démographe Martine St-Amour estime que l'offre croissante de cours à l'extérieur des grands centres et la popularité des formations à distance pourraient contribuer à freiner ces déplacements. Elle souligne que le phénomène n'est pas propre au Québec, un ralentissement de la mobilité se faisant aussi sentir dans le reste du Canada et aux États-Unis.

Forte croissance autour de la métropole

Les données démontrent que les Montréalais quittent l'île pour s'établir dans les régions limitrophes du 450. Fait particulier, Laval aussi fait les frais de cet exode. Bien que l'île Jésus ait attiré près de 5000 Montréalais l'an dernier, la région n'affiche pourtant qu'un maigre bilan positif de 260 nouveaux résidants. Pourquoi? De nombreux Lavallois ont eux-mêmes choisi de quitter leur ville pour s'établir plus en périphérie, principalement dans les Laurentides (3138), mais aussi dans Lanaudière (900) et en Montérégie (411).

Plante mise sur l'habitation et les transports

La mairesse Valérie Plante a convenu «que Montréal a encore énormément de travail à faire pour garder les familles». Pour y arriver, elle dit vouloir améliorer l'offre en habitation, le coût d'accès étant l'un des principaux facteurs poussant les familles à opter pour la banlieue. Elle estime que la nouvelle entente avec Québec sur le transfert des pouvoirs en habitation portera ses fruits.

Son administration dit aussi vouloir convaincre les familles de rester en améliorant les transports, par l'ajout d'autobus ou par l'aménagement de la nouvelle ligne rose. «La bonification de l'offre en habitation et les projets pour une meilleure mobilité ne feront pas une différence du jour au lendemain, mais ils seront bénéfiques à moyen et long terme», juge Valérie Plante.

Année d'exception en Gaspésie

Pour une rare fois, la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine a enregistré un bilan positif en 2017, avec 122 nouveaux résidants. L'ISQ évoque une «année d'exception», alors que la région encaisse des reculs marqués depuis plus de 15 ans. Ce résultat s'explique en grande partie par une baisse des départs vers la région de Québec et une arrivée de personnes qui vivaient auparavant dans la région de Montréal. Les gains de population se concentrent principalement sur la Côte-de-Gaspé (+ 92), où se trouve la principale ville de la région, Gaspé.

La saignée continue sur la Côte-Nord

Si la situation s'améliore en Gaspésie, c'est loin d'être le cas de l'autre côté du Saint-Laurent. Pour la quatrième année de suite, la Côte-Nord est la région encaissant les plus lourdes pertes nettes. En effet, 1092 personnes ont quitté la région, soit 1,2% de sa population. En comparaison, les 19 900 Montréalais qui sont partis représentent 1% de la population de la métropole.

Les données indiquent que les Nord-Côtiers partent principalement pour s'établir dans la région de Québec. Les pertes sont particulièrement importantes dans la région de Sept-Îles, qui regroupe près de la moitié des départs l'an dernier (- 466). Manicouagan suit de près avec 278. Les données démontrent que tous les groupes d'âge sont touchés.

Les données de la Côte-Nord sont d'autant plus inquiétantes que la majorité des régions ont réussi à freiner les pertes de population. «L'ampleur des pertes se rapproche de ce qu'on avait dans les années 90, alors que dans les autres régions éloignées des grands centres, ça s'est réduit», constate Mme St-Amour.

Québec fait le plein à l'Est

La grande région de Québec a connu une légère hausse de ses gains de population en 2017, avec l'arrivée de 1372 nouveaux résidants. Cela demeure néanmoins l'un des plus faibles gains depuis le début des années 2000, note l'ISQ. Cette croissance se fait principalement aux dépens du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, qui voient nombre de leurs citoyens partir pour la région de la Capitale-Nationale.

À l'intérieur de la région de Québec, l'ISQ note que la ville de Régis Labeaume vit la même situation que Montréal, alors que de nombreuses jeunes familles quittent son territoire pour s'établir en périphérie, notamment dans la Jacques-Cartier et la Côte-de-Beaupré.

Si Québec affiche néanmoins un solde positif, c'est grâce à l'arrivée des jeunes étudiants de 15 à 24 ans qui parviennent à contrebalancer cet exode.

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2,5%

Part de la population québécoise qui a changé de région en 2017, soit 202 500 personnes. Ce nombre représente une légère hausse par rapport aux dernières années, mais cela demeure inférieur au niveau observé dans les années 90. À l'époque, plus de 3% de la population bougeait chaque année. Cet écart pourrait s'expliquer par le vieillissement de la population, les jeunes ayant davantage tendance à déménager (6% des 20 à 29 ans bougent chaque année, contre 1% des 65 ans et plus).

À noter, ces données de l'ISQ sur les mouvements de population ne tiennent pas compte de l'immigration - qui évite à Montréal, par exemple, de voir sa population décroître - ni des changements de province.