Une arrestation de routine a dégénéré l'an passé dans un des secteurs les plus chauds de Montréal-Nord. Attaqués au couteau et encerclés par une foule de 150 personnes, deux policiers ont dû battre en retraite et demander du renfort, un incident complètement passé sous le radar. Un acteur-clé de l'affaire Villanueva, Jeffrey Sagor-Metellus, est accusé d'avoir intimidé les policiers en gonflant la foule à bloc.

Le 28 mai dernier, à l'intersection des rues Pascal et Lapierre, en plein coeur du «Bronx» de Montréal-Nord, deux patrouilleurs sont intervenus pour le vol du vélo d'un enfant de 10 ans. Ils ont vite retrouvé la bicyclette, abandonnée tout près. Puis, un homme s'est approché en disant être autorisé à emprunter l'engin. Les policiers ont décidé de l'arrêter, puisqu'il correspondait à la description donnée par des témoins.

Or, Guyson Milfort a refusé d'obtempérer. L'arrestation a dégénéré, alors que les policiers peinaient à maîtriser le suspect. En sueur, l'homme de 27 ans a attaqué les agents avec un coupe-ongles muni d'une lame. «Le poivre de Cayenne est même utilisé pour pouvoir le maîtriser», indique un résumé des événements présenté à la cour en juillet dernier. Pendant l'échauffourée, Guyson Milfort a lacéré les bras des deux policiers avec la lame du coupe-ongles.

«Nos policiers ont été blessés. Ils ont subi des lacérations mineures aux avant-bras», a indiqué le commandant Miguël Alston, du poste de quartier 39.

L'incident n'a jamais été médiatisé par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Guyson Milfort a plaidé coupable à des accusations d'entrave, d'agression armée sur un policier et de possession de cannabis. Néanmoins, il a soutenu à la cour avoir «complètement oublié» avoir eu l'arme dans sa main en s'approchant des policiers. Il a reçu une peine de 50 jours de prison. Deux mois plus tôt, il s'en était tiré avec un sursis de peine et une probation pour des voies de fait contre un policier.

Le brouhaha a attiré le regard des curieux. Très vite, une foule massive de 150 personnes a entouré les deux patrouilleurs, laissés à eux-mêmes. «Il y avait du bruit, on filmait, on huait, on chahutait. Rapidement, les policiers ont pris la décision stratégique de se retirer avec l'homme et d'aller ailleurs pour finir l'intervention, parce que ça dégénérait», a expliqué le commandant Alston.

Entrave au travail des policiers

Deux des «leaders» de la foule, Jeffrey Sagor-Metellus et Michael Alexandre, étaient aux premières loges de la quasi-émeute. Ils auraient incité la foule à crier des insultes aux policiers. «Sortez de notre secteur. C'est notre hood!» scandait la foule en colère. «Un d'entre eux entravait le travail des policiers, envahissait leur espace sécuritaire, cherchait la confrontation. Ils étaient très, très, très près. Alors c'est là que les policiers se sont sentis intimidés, qu'ils ont eu des craintes pour leur sécurité», soutient le commandant Alston.

Jeffrey Sagor-Metellus, 29 ans, et Michael Alexandre, 30 ans, sont accusés d'avoir intimidé les policiers du poste de quartier de Montréal-Nord et d'avoir entravé leur travail. Selon la sommation rendue publique jeudi dernier, les deux hommes auraient provoqué la peur des «policiers du poste 39» en vue de leur nuire dans l'exercice de leurs fonctions. Ils doivent comparaître le 6 avril prochain.

Jeffrey Sagor-Metellus est connu pour avoir été atteint au dos par l'agent Lapointe pendant la tragique intervention policière ayant mené à la mort de Fredy Villanueva en août 2008. Il avait été l'un des témoins-clés à l'enquête du coroner. En 2011, il avait été condamné à six mois de prison pour vol et introduction par effraction et avait été décrit à la cour comme un membre d'un gang de rue d'allégeance rouge.

Une intervention dans les règles de l'art

L'intervention des patrouilleurs s'est déroulée dans les règles de l'art, assure le commandant Alston, qui dirige le poste de quartier de Montréal-Nord depuis septembre dernier. «Par contre, il y a eu des rétroactions. On évalue toujours nos façons de faire, et par la suite, on émet des recommandations. On revoit les stratégies d'intervention pour ne pas mettre en jeu la sécurité des citoyens et des policiers», a-t-il expliqué.

Quatre jours avant l'intervention du 28 mai, un policier du SPVM avait été accusé d'homicide involontaire pour la mort de Jean-Pierre Bony, tué par une balle de plastique pendant une opération policière à Montréal-Nord. Cet incident avait provoqué une émeute dans les rues du quartier en avril 2016. Plusieurs véhicules avaient été incendiés.

Les policiers du poste 39 mettent beaucoup d'efforts pour «démystifier» le rôle des policiers et expliquer aux citoyens le bien-fondé des interventions policières, maintient le commandant.

« Quatre-vingt-quinze pour cent de nos policiers, je le répète, travaillent très bien, de façon professionnelle. S'il y a des cas où on a mal travaillé, on va intervenir», affirme le commandant Alston. «Mais la majorité des interventions sont justifiées et professionnelles. Il faut quand même s'assurer que les informations sont bien communiquées.»

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jeffrey Sagor-Metellus