Il y a 20 ans, il osait à peine sortir de son appartement de la rue Saint-Antoine Ouest à cause de l'intensité du bruit des travaux de réfection de l'autoroute Ville-Marie, autour de chez lui. Aujourd'hui, il n'oserait pas traverser la rue Saint-Antoine durant l'heure de pointe d'après-midi en raison de l'intensité du trafic détourné dans les rues de la ville depuis la fermeture de cette même maudite autoroute Ville-Marie.

D'un chantier à l'autre, à 20 ans de distance, la vie de Peter Krantz, pionnier du vélo, patenteux et militant-né, n'a pas tellement changé. Il est amer, malgré un règlement récent de l'action collective qu'il avait intentée il y a 16 ans contre le ministère des Transports et les entreprises de construction pour avoir empoisonné la vie des gens vivant de part et d'autre de l'autoroute, entre 1998 et 2000.

Selon le cabinet d'avocats Trudel Johnston & Lespérance, qui a négocié ce règlement, jusqu'à 12 000 personnes qui ont vécu près de l'autoroute Ville-Marie, dans un périmètre déterminé (voir encadré à la fin du texte), entre 1998 et 2000, pourraient avoir droit à une compensation de plusieurs milliers de dollars en raison des ennuis de voisinage produits par de grands travaux de réfection routière.

Jusqu'à 3,5 millions pourraient être redistribués dans les prochains mois auprès de ces « membres » qui, dans certains cas, sont décédés, ont quitté le secteur ou même la ville, et ne savent pas qu'ils pourraient être indemnisés pour ces années de bruit et de poussière dans le sud-ouest de Montréal.

Le cabinet d'avocats a ouvert cette semaine une période de réclamation jusqu'au 28 mai, pendant laquelle quiconque répond aux critères peut soumettre une demande.

Trudel Johnston & Lespérance (TJL) estime, dans un communiqué publié cette semaine, « qu'entre 15 % et 30 % des 12 000 membres vont ultimement réclamer. Une famille de deux personnes vivant dans une des zones les plus touchées, entre 1998 et 2000, pourrait recevoir une indemnité allant jusqu'à 5560 $ si 15 % des membres réclament. Ce serait jusqu'à 3460 $ si le taux de réclamation atteint 25 % ».

UNE INDEMNITÉ « D'ENVIRON 2780 $ »

Dans l'hypothèse où le taux de réclamation serait de 15 %, ajoute TJL, Peter Krantz, qui était le représentant des membres dans cette action, « pourrait avoir droit à une indemnité d'environ 2780 $ ».

« M. Krantz est satisfait du montant des règlements, dit TJL dans une réponse écrite à des questions de La Presse. Mais il est déçu que le recours collectif n'ait pas eu un plus grand effet sur le comportement du ministère des Transports du Québec. »

« J'ai travaillé pendant 18 ans pour arriver à ça, dit M. Krantz. Mais quand le juge m'a demandé si j'étais satisfait du jugement, j'ai répondu non, parce que toutes ces procédures-là et ces efforts n'ont pas changé le Ministère. » 

« J'ai été traité comme un animal en 1998, et on est encore traités comme des animaux maintenant », dit Peter Krantz.

À la fin des années 90, ce sont les quartiers de la Petite-Bourgogne et de Saint-Henri ainsi que la partie la plus rapprochée de Westmount qui étaient touchés par le bruit des travaux. Et 20 ans plus tard, ce sont les mêmes secteurs qui sont exposés à une agitation constante, des niveaux de bruit énervants et une circulation automobile détournée qui ne donnent pas envie de traverser la rue.

« Aujourd'hui, les chars sur la rue Saint-Antoine sont bloqués. Trois voies de trafic complètement surchargées. J'ai peur de traverser la rue. Pas parce que ça roule trop vite. Parce que tous les gens qui sont dans leur voiture sont enragés, parce que ça avance pas. Ils klaxonnent de 4h l'après-midi jusqu'à 7h le soir, les gens sortent de leur auto en colère, j'ai vu deux accidents. Ma vie est un désastre, avec le trafic en avant, la construction en arrière, je suis revenu au même point. »

Il éclate de rire et s'excuse presque d'être aussi amer.

« Et là, il va falloir que je paie un ticket de stationnement parce que depuis qu'ils ont installé l'entrée de l'autoroute sur la rue Rose-de-Lima, on n'a plus le droit de stationner du côté nord de Saint-Antoine. Je reste là. C'est comme la cerise sur le gâteau. »

Action collective: vous habitiez là entre 1998 et 2000?

Près de 12 000 personnes pourraient avoir droit à une indemnisation en raison des nuisances et du bruit causés par des chantiers du ministère des Transports du Québec, de 1998 à 2000, autour de l'autoroute Ville-Marie. Sont admissibles : toutes les personnes, propriétaires ou locataires, qui ont résidé dans les villes de Montréal et de Westmount, entre la rue Guy et l'avenue de Carillon, et à moins de 350 mètres au sud et de 170 mètres au nord de l'autoroute Ville-Marie, durant les périodes suivantes :  entre le 1er mai et le 31 décembre 1998 ou entre le 26 avril et le 15 décembre 1999 ou entre le 1er juillet et le 16 octobre 2000. Chaque membre d'une famille peut faire une réclamation, incluant les personnes qui étaient mineures durant la période visée par le recours. La date limite pour inscrire une réclamation est le 28 mai 2018.

En turquoise, la zone où les résidants de périodes précises sont admissibles.