La vague de froid qui s'est abattue sur le Québec durant le temps des Fêtes et le soudain redoux attendu cette semaine font craindre pour la multiplication des nids-de-poule et des fissures sur les routes de la province. Le ministère des Transports dit suivre la situation de près, alors que le sol est gelé 40% plus profondément qu'à la normale à ce temps de l'année.

«La vague de froid et le redoux ne sont pas favorables au comportement des routes», explique Guy Bergeron, ingénieur à la direction générale du Laboratoire des chaussées du ministère des Transports.

Depuis près de 60 ans, le Ministère suit chaque hiver l'évolution du gel dans le sol afin de tenter de limiter les dégâts aux routes au retour du printemps. Un réseau de 48 stations «météo-routières», chacune dotée de sondes thermiques mesurant la température du sol jusqu'à 3 mètres de profondeur, permet de suivre en temps réel la progression du gel sous les routes.

Les données compilées cette année démontrent que le sol a gelé beaucoup plus rapidement et profondément, conséquence directe de la vague de froid ayant sévi durant le temps des Fêtes. Dans la région de Montréal, le gel atteint présentement une profondeur de 1,12 m, alors que la moyenne des neuf années précédentes est plutôt de 70 à 80 cm à ce temps de l'année. «On voit l'effet de la vague de froid. Ça a donné un coup», observe Guy Bergeron.

Loin du seuil de gel maximal

Ce spécialiste de l'état des chaussées note que cet écart de 40% est «significatif, sans être exceptionnel». En effet, on est encore loin du seuil de gel maximal au-delà duquel le Ministère estime que les dégâts aux routes risquent d'être importants. 

Dans la région de Montréal, c'est lorsque le gel dépasse la barre du 1,5 m qu'on appréhende de tels dégâts. Il est toutefois encore tôt dans la saison, et un retour du froid polaire pourrait compliquer la situation.

Cette profondeur de gel aussi tôt dans la saison demeure néanmoins impressionnante puisque, en temps normal, le gel descend lentement dans le sol. Or, la vague de froid survenue durant le temps des Fêtes a considérablement accéléré son arrivée.

Le 23 décembre, les capteurs installés à Saint-Jean-Port-Joli, à 90 km l'est de Québec, évaluaient que le gel était à près de 1 m. Le 7 janvier, soit deux semaines plus tard, le gel se trouvait à 1,5 m. L'an dernier, les relevés pris aux mêmes dates n'avaient observé aucune variation.

Après le froid, le redoux

Un autre phénomène météo préoccupe également le ministère des Transports : le soudain redoux qui s'annonce cette semaine. Les prévisions météorologiques indiquent en effet que la température pourrait atteindre les 5 degrés demain et vendredi.

Or, le Ministère estime qu'un redoux devient inquiétant lorsque la température se maintient au-dessus du point de congélation de deux à trois journées. Lors de ces épisodes, le sol dégèle en surface, mais demeure gelé en profondeur. Du coup, l'eau n'arrive pas à s'évacuer et s'accumule dans la couche supérieure. 

La portance de la fondation de la chaussée s'en trouve fragilisée et supporte alors moins bien la couche d'asphalte, si bien que la chaussée se brise. «Lors des redoux, la chaussée s'endommage de cinq à huit fois plus qu'en été. Les chaussées vieillissent plus vite», explique Guy Bergeron.

Ces épisodes de redoux peuvent forcer le Ministère à décréter des limitations de charge aux camions afin de réduire les dégâts.

C'est notamment pour cette raison que le réchauffement climatique suscite autant d'inquiétudes, puisqu'il risque d'entraîner une multiplication des épisodes de redoux durant les hivers, décuplant les dommages aux chaussées. 

«Si on commence à avoir plus de redoux, comme une dizaine par hiver, il faudra penser à quelque chose, parce qu'il risque d'y avoir beaucoup de dommages», souligne Guy Bergeron. Normalement, on recense deux ou trois épisodes de redoux dans la région de Montréal.

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Entrées d'eau gelées


Au-delà des routes, la vague de froid survenue durant les Fêtes a également entraîné une hausse des appels à la Ville de Montréal pour des entrées d'eau gelées. La métropole rapporte que 1144 personnes ont contacté le service du 311 entre le 22 décembre et le 8 janvier pour signaler que leur tuyauterie était gelée, leur coupant ainsi l'accès à l'eau.

La situation est restée néanmoins beaucoup moins pénible qu'en février 2015, alors qu'une vague de froid avait fait geler les entrées d'eau de milliers de logements à Montréal. Dans le Sud-Ouest, on signale seulement 37 cas où des employés ont dû se déplacer pour de la tuyauterie gelée. Seulement quatre cas sont survenus sur le Plateau Mont-Royal.