Pendant la campagne électorale, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a souvent cité le Grand Paris Express pour « vendre » son projet de ligne rose. Elle était à Paris hier, pour voir de plus près le chantier de cet immense réseau souterrain, qui est sensé se construire plus rapidement pour moins cher. Trop beau pour être vrai ?

QU'EST-CE QUE LE GRAND PARIS EXPRESS ?

Cet immense réseau souterrain, d'une longueur de 200 kilomètres, desservira 68 gares en grande région parisienne, dans les banlieues et les départements proches de la capitale. On parle de quatre nouvelles lignes de métro et de deux lignes prolongées. Ce projet vise à désengorger les réseaux déjà existants, notamment le train de banlieue (RER), et à désenclaver des zones jusqu'ici mal desservies. La mise en service est prévue pour 2023. La fin du projet est annoncée pour 2030. Ce serait actuellement le plus grand chantier en Europe. Le Grand Paris Express est qualifié de « troisième grande révolution » du transport parisien, après le métro et le RER.

POURQUOI EST-CE INTÉRESSANT ?

Le Grand Paris Express (GPE) utilise un outil de creusage relativement récent : le grand tunnelier. Cette technologie a notamment été utilisée pour le tunnel sous la Manche et le métro de Barcelone. Son avantage : il permet de creuser sous terre plutôt que d'ouvrir des tranchées, ce qui évite les expropriations en surface et réduit donc les coûts. À noter que le GPE n'est pas financé par l'État, mais par des ressources locales : emprunts à long terme, prélèvements sur la taxe d'habitation, taxes sur les bureaux. Ce qui n'a pas manqué de faire sourciller la mairesse. « C'est un modèle que j'ai bien l'intention de détailler davantage », lance Valérie Plante, pendant la présentation du projet à Cachan, en banlieue de Paris.

POURQUOI VALÉRIE PLANTE EST-ELLE INTÉRESSÉE ?

La ligne rose du métro pourrait s'inspirer du Grand Paris Express. Les deux projets partagent les mêmes objectifs de réduction carbone et de désenclavement pour les quartiers moins privilégiés, ce qui favoriserait une plus grande mobilité géographique et sociale. Mme Plante souligne en outre les avantages reliés au grand tunnelier, tant en ce qui concerne les coûts que les échéanciers. « Chaque territoire est différent. N'en demeure pas moins que la technologie utilisée ici à Paris semble faire ses preuves. On l'a aussi vu à Barcelone. Donc, j'y vois beaucoup de potentiel. »

PAS CHER ?

À Paris, le budget initialement prévu a déjà explosé. Le coût du GPE était au départ annoncé à 22 milliards d'euros. Il est maintenant question de 28 à 35 milliards d'euros. La raison de ce dépassement considérable ? Des difficultés rencontrées sur le terrain. « Quand on rentre dans la topographie, la qualité des sols ou la nécessité de modifier légèrement l'itinéraire parce qu'il y a tel ou tel obstacle... tous ces problèmes-là finissent par peser sur l'enveloppe », résume Jean-Yves Le Bouillonnec, président du conseil de surveillance pour la société Grand Paris, chargée de réaliser projet. Ce budget explosé suscite des inquiétudes. Des rumeurs persistantes affirment que trois lignes sur six seraient menacées en tout ou en partie. Dont la ligne 18, qui devrait desservir les installations des Jeux olympiques de 2024. Le projet de la ligne rose est pour sa part estimé à entre 6 et 10 milliards de dollars, et la mairesse promet un « plan détaillé » en ce qui concerne le financement pour éviter les mauvaises surprises.

PLUS RAPIDE ?

Selon Jack Royer, chef de projet du GPE pour la ligne 15 dans le secteur Cachan, il faut compter « une dizaine d'années entre les premières études et la livraison finale ». Or, la ligne 15 doit faire 33 kilomètres, à peu près la même longueur que la ligne rose, qui doit en faire 29. Mme Plante avait d'abord promis une première pelletée de terre pour 2021, une prévision optimiste qu'elle a ensuite dû nuancer. Hier à Paris, c'était clair : les travaux de la ligne rose ne commenceraient pas avant 2022. Le montage financier, les études techniques et le bureau de projet seraient mis en marche lors du premier mandat, le chantier débuterait au second mandat. La mairesse précise que 9 km du réseau seraient hors terre, ce qui accélérerait le processus.

RÉALISTE ?

La ligne rose, c'est bien beau. Mais pourra-t-on faire avaler aux contribuables un projet aussi ambitieux ? Montréal n'est pas Paris. La culture du transport n'est pas la même. Cela dit, Mme Plante croit que les Montréalais sont prêts pour un changement de paradigme. « C'est vrai que c'est une situation différente, admet Valérie Plante. Au Québec, au Canada, en Amérique du Nord, nos villes ont été créées en fonction de l'utilisation de la voiture. Mais là, on sent qu'on entre dans une autre ère, où les gens qui ont une automobile veulent avoir aussi du transport collectif. On sent un appétit et une volonté. » La mairesse souhaite présenter son projet le plus vite possible à Ottawa, où il y a, dit-elle, une « opportunité au niveau du financement ».

Photo Jean-Christophe Laurence, collaboration spéciale

Valérie Plante et Jean-Yves Le Bouillonnec, président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris et maire de Cachan